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Il y a quelques semaines, Abdel, célèbre patron de l’Aéro, a viré Jacques, avec parmi les prétextes, le fait qu’il s’installe en salle avec son journal (l’Equipe) et ne prenne qu’un café.
Vendredi, Christian s’est vexé d’une remarque de Martine, vénérable patronne de La Comète, qui lui reprochait d’étaler son journal (Le Parisien) et de prendre beaucoup de place au comptoir. Il est parti fâché et jure qu’il ne reviendra pas.
Dimanche, le groupe des portugais buvait sagement quelques apéritifs à l’Aéro, quand l’un d’entre eux a demandé Le Parisien à Abdel, qui s’est fâché tout rouge. Les portugais se sont vexés et ont juré de ne plus remettre les pieds à l’Aéro.
Vous vous en foutez royalement, mais si je l’écris ce n’est pas pour vous informer, mais uniquement car c’est un peu compliqué à suivre et je risque d’oublier et de faire une gaffe.
Ceci dit, chez Amaury, ils devraient faire une étude comportementale de leurs lecteurs ou de leurs clients qui mettent leur journal à disposition des leurs.
Ceci dit également, le journal dans un bistro, c’est toujours un problème.
Il y a les égocentriques qui pensent que si le patron achète le journal c’est pour qu’ils puissent faire les mots croisés. Règle numéro 1 : ne jamais faire les mots croisés sans l’autorisation du patron. Règle numéro 2 : ne pas faire les mots croisés tous les jours, il y a d’autres clients qui aimeraient les faire. Règle numéro 3 : ne pas faire les mots croisés d’un journal quand on les trouve trop facile, il y a d’autres gugusses qui y prendraient du plaisir.
Il y a les paranoïaques qui pensent que quand le journal n’est pas disponible quand ils arrivent, c’est un coup monté de la direction. Ce qui est parfois vrai, ça énerve les patrons qu’un mec arrive toujours à la même heure et lise le journal pendant un quart d’heure en ne buvant qu’un café. Règle numéro 3 : ne pas s'imaginer que le journal est à soi.
Il y a les égoïstes qui gardent le journal pendant un quart d’heure à l’heure de pointe (café du matin ou déjeuner) qui ne pensent pas que les autres aussi ont envie de lire les titres. Règle numéro 4 : ne jamais dépasser 5 minutes avec le journal du patron si d’autres clients au bar pourraient émettre le désir de voir le canard.
Il y a les excités qui se précipitent sur le journal, même quand il y a une « file d’attente ».
Il y a les abrutis qui quand le journal n’est pas là (comme aujourd’hui, jour de grève) repporchent au patron ne pas avoir fait d'effort.
Il y a les « sans gène » qui découpent des articles dans le journal sans penser que ça pourrait intéresser les autres. Dans la même catégorie, il y a les voleurs qui partent carrément avec le journal : le patron n’en a plus besoin, il l’a déjà lu.
Il y a les imbéciles qui pensent que le journal a un seul intérêt (la préparation du tiercé, du loto sportif, la météo, les programmes télé, les prévisions de circulation, l’horoscope) et qui vous interrompent pendant la lecture en pensant, soit que le sujet vous intéresse aussi, soit que leur inspiration du moment est prioritaire à votre intérêt pour l'article en cours de lecture. C’est surtout vrai le matin avec les types qui vous piquent les pages des courses de chevaux.
Il y a les gonflés, qui, tous seuls, prennent une table de quatre places pour lire calmement leur journal. Ou les mêmes, moins fainéants, qui prennent 1m50 de comptoir pour étaler leur canard. Et leurs congénaires qui restent à table pour finir le journal alors que des gens attendent de pouvoir s'installer.
Et voilà. Le premier article de blog où on aborde ce sujet sérieux : la problématique de la lecture des journaux dans les bistros.
Et il n’y a pas que les bistros, où c’est compliqué !
Les aéroports. J’aime bien prendre l’avion un mercredi : parmi les journaux gratuits, il y a le Canard Enchaîné.
Mercredi, il y a quinze jours, à l’aéroport de Brest, vers 17h15… Je vais vers le présentoir : à ma grande joie il reste UN Canard, je me précipite dessus, et je le prends.
Erreur ! En fait, il restait deux Canards, j’ai donc pris deux Canards. C’est probablement interdit par la loi, voire passible de la peine de mort, vu le ton sur lequel m’a interpellé le type à côté de moi, propre sur lui, costar, cravate, montre en or, … :
Lui : « VOUS AVEZ BESOIN DE DEUX JOURNAL ? » (Sic)
Moi, tout penaud : « Désolé, j’avais pas vu »
Ceci dit, c’est pas un abruti qui va me démonter, surtout que je ne pouvais pas facilement lui donner un des deux Canards : mon autre main était occupée à porter ma sacoche et un autre journal que j’avais pris avant de voir que le Canard était disponible.
Je continue donc sur ma lancée et, comme d’habitude, quand je prends un journal dans un présentoir d’aéroport, je vérifie la date, ce qui prend 7 secondes, le temps de mettre le Canard dans le bon sens, avec une seule main, et de repérer la date. Pas de chance, c’était le Canard de la semaine précédente.
Moi : « Pas de chance, c'est c'lui d'la s'maine dernière ! ».
Lui : « C’EST PAS UNE RAISON POUR EN PRENDRE DEUX ».
Il y a de ces cons dans les aéroports.
Ce n’est pas le tout de faire un article de blog sur le comportement de nos concitoyens lecteurs de la presse (ce dont on ne peut que les féliciter) dans les bistros, je pourrais ainsi en faire un sur le comportement des cadres devant la mise à disposition de journaux gratuits par les compagnies aériennes. Tiens ! Ceux qui voyagent en groupe et qui prennent Le Figaro pour faire sérieux alors que l’Equipe est disponible. Ou ceux voyageant seuls, qui prennent Le Figaro alors que les mots fléchés du France Soir sont plus intéressants. Ceux qui prennent plusieurs journaux, puisque que c’est gratuit… Tant pis pour les autres voyageurs.
Ma stratégie dans les aéroports, en dix points :
Prendre d’abord Le Canard Enchaîné (sauf si vous passez le week end suivant chez votre mère qui est abonnée). Ne pas faire les mots croisés du Canard Enchaîné. Au début vous trouvez ça très dur, et après, quand vous avez compris que la moitié des jeux de mot qui sont faits ne servent pas à la définition mais juste à faire un jeu de mots, ça vous énerve.
Si France Soir est disponible, prendre le France Soir. Penser à ne pas le lire, mais faire les mots fléchés dès que l’avion a décollé (pendant le décollage, ce n’est pas facile, mais faut commencer assez tôt si veut avoir une chance de le finir avant l’arrivée). Le cas échéant, garder Le Canard Enchaîné pour le lire à la maison.
Si l’embarquement commence dans moins de 15 minutes, prendre aussi Le Parisien pour faire les mots fléchés avant. Ce n’est la peine de le lire, ça a déjà été fait au bistro avant pour faire chier les autres clients.
S’il n’y a pas France Soir ou Le Canard Enchaîné, prendre Les Echos, faut bien diversifier les sources d’information.
Eviter les journaux régionaux. D’abord ce n’est pas assez copieux pour tenir le voyage. Ensuite, soit vous n’êtes pas de la région et le journal n’a aucun intérêt, soit vous êtes de la région et vous l'avez déjà lu (en l’occurrence Ouest France ou Le Télégramme) le matin (ou un journal équivalent, en l’occurrence Le Télégramme ou Ouest France).
S’il n’y a que Le Figaro, le prendre mais ne lire que les pages économiques, pas les actualités ou la politique. Je ne sais pas s’il y a des mots croisés dans le Figaro. Si vous prenez Le Figaro, laissez le dans l'avion avant descendre, au cas où vous rencontrez une connaissance à l'aéroport ou que vous oubliez de le jeter avant d'arriver au bureau ou en clientèle.
Eviter Libération, les mots croisés sont trop compliqués.
Eviter Le Monde : les journaux sont mis à disposition par les compagnies aériennes pour vous distraire pendant le vol.
De temps en temps prendre autre chose : La Tribune ou La Croix sont souvent disponibles à Orly, il faut tout lire,
Ne pas prendre L’Equipe : les pages sont trop grandes. Vous faites chier les voisins dans l’avion et ce n’est pas pratique à lire. A la limite prenez le pour les copains ou pour le lire plus tard.
Un dernier conseil : s’il y a des journaux datés du lendemain (comme Le Monde), prenez en un petit paquet et donnez le à votre patron de bistro préféré, qu’il puisse em… ses clients le lendemain (Le Monde est parfait pour cela, il n’y a rien sur les courses de chevaux).
C’est dommage que La Comète ne soit pas au 103 avenue de Fontainebleau, mais au 102. Ceci est le 103ème article du blog.