Ma série sur les bistros serait incomplète sans un billet sur l’art de se faire payer un coup par le patron. Avec finesse et par jeu !
Il a les clients qui insistent lourdement : cette méthode est à proscrire car elle est grossière et va à l’encontre de toutes mes recommandations préalables. Il a ceux qui pensent que la tournée du patron est un droit : ce sont des cuistres. Le patron est là pour vendre des bières pas pour en donner. Si vous pensez qu’il ne paye pas assez souvent sa tournée, vous n’avez qu’à changer de bistro. On entend souvent des commentaires : « c’est bien comme bistro, mais le patron ne paye jamais sa tournée ». C’est complètement con !
D’autant plus con que les patrons qui payent souvent leur tournée sont ceux qui boivent un coup sur la tournée des clients : à la longue ils sont largement gagnants !
Bannissons ces pratiques !
Honorons les patrons qui payent un coup à leurs clients parce que ça leur fait plaisir, qu’ils sont bien avec eux ! Ceci justifie d’ailleurs mes deux premiers billets de la série : si vous vous comportez correctement dans un bistro, le patron sera bien avec vous.
Néanmoins, forcer la main au taulier pour se faire rincer la gueule doit être la règle, parce que c’est un jeu !
Le premier conseil à donner est indubitablement de supprimer les types qui sont avec vous et à qui le patron n’a pas du tout envie de payer un coup. Il s’agit de ceux qui braillent au comptoir, ceux qui contestent les tournées qu’ils doivent et ceux qui n’ont pas besoin de les contester, ils n’en payent jamais.
Mettons les à l’écart, d’autant qu’ils ne respectent pas les conseils des autres billets de la série.
C’est ensuite une question d’opportunité. Bien repérer le moment où il faut réclamer.
Admettons qu’on soit nombreux (5 ou 6) et si chacun met sa tournée : le patron n’a aucune raison de mettre la sienne puisque les commandes pleuvent naturellement. Là, il faut attendre le moment où le patron commence à se fatiguer. Il baille doucement et commence à s’écarter du groupe pour lire son journal. Il ne peut pas nous virer : nous sommes des clients qui payons.
Vous sentez que la soirée se termine, les buveurs commencent à décliner, à boire de plus en plus lentement. Le moment est venu. Vous allez aux toilettes (quoiqu’il arrive, il faut toujours y aller à ce stade de la soirée). En revenant, vous passez devant le patron et vous lui dites discrètement mais pas trop : « bon, tu mets la tienne, je mets la mienne et on se casse ». Car il y a une règle qui dit : « On ne part jamais sur la tournée du patron » sauf s’il le dit lui-même « J’vous paye un coup et après j’veux plus vous voir ».
Ainsi, en disant « bon, tu mets la tienne, je mets la mienne et on se casse », vous lui offrez une porte de sortie : il peut enfin aller se coucher sans avoir à virer des bons clients.
Le deuxième cas, c’est quand on n’est nombreux, en début de soirée, juste un ou deux, près de la caisse. Les autres vont arriver. Là, dites au patron « dis donc ! tu pourrais nous payer un p’tit coup avant qu’les autres arrivent, on leur dira pas ». Ca marche un coup sur deux : il tiendra à vous prouver que vous êtes ses préférés !
La troisième possibilité, c’est quand vous n’êtes qu’un ou deux au comptoir mais qu’il reste des clients en salle. De toute manière, le patron va vous payer un coup, sinon il s’emmerde. Tout l’art consiste en le réclamer : « tu nous paierais pas un p’tit coup ? ». C’est quand même plus drôle quand on réclame !
La quatrième possibilité, c’est de profiter de l’absence du patron et de la présence de la patronne. « Tiens, ça fait longtemps qu’on n’a pas eu la tournée de la patronne ! ». Là, c’est le top, il faut négocier ! Elle répond toujours : « avec le patron, ça marche peut-être, mais avec moi, n’y comptez pas ». « Ooooh ! Patroooonne ! ». « Non non non ». « Pour une fois qu’on t’voit ». « Bon d’accord, mais c’est la dernière fois ». Le bonheur !
Le bonheur absolu est de se faire payer un coup par le patron ET par la patronne et de le leur dire après !
La cinquième possibilité est inavouable, probablement illégale et totalement immorale. Je me la réserve à moi-même. Le but, c’est d’arriver à payer une grosse somme d’argent au bistro (2 ou 300 euros). Par exemple, vous invitez les copains à manger le dimanche et vous vous apercevez que vous avez oublié votre carte : « Patron, tu peux me marquer ça, j’ai oublié ma carte ». Le lundi, vous dites en partant « Oh Merde ! J’ai oublié d’aller tirer des sous ». Pareil le mardi ! Vous rajoutez juste « Hé ! Patron ! tu penses à me le rappeler quand j’arrive demain ». Et hop ! Le mercredi jackpot : vous payez tout mais discrètement ! Ayant sa plus grosse rentrée de la journée, le patron est obligé de vous payer un coup.
N.B. : Profitez-en pour laisser un bon pourboire. Allez 5 euros ! Le personnel sera ravi. Mais il ne sait pas compter. 5 euros sur 300 euros ça équivaut à 2 centimes pour un café.
La sixième, nous allons juste la survoler, car elle est naturelle. Vous rendez service au patron. Par exemple, moi, je suis assez doué dans tous les machins électroniques. Le patron de bistro oublie toujours comment régler l’heure de sa machine à cartes bancaires ou de ses caisses enregistreuses. Le patron préfère me demander de le faire que de galérer dans le manuel utilisateur traduit du japonais. Néanmoins, cette façon est écartée de notre liste : c’est naturel de rendre service. On ne le fait pas par ruse. Par contre, juste après, la patron va vous payer un coup en échange du service… Le plaisir est de réclamer ce coup !
Le septième truc est aussi totalement immoral mais très rigolo. Il faut un copain marié qui s’est un peu laissé allé et a dépassé sa dose habituelle. Vous le faites remarquer au patron. Là vous dites au patron : « Tiens, patron ! Tu bois un coup ? Tu nous en remets trois ». Lui : « Non, les gars, vous êtes bien gentil, mais il ne faut pas que je boive ce soir. Tenez ! C’est moi qui vous paye un p’tit coup les copains » (en principe, un patron de bistro aime bien saouler ses clients non alcooliques mariés). Et hop ! Deux verres servis. Le copain commence à vouloir rentrer chez lui. Vous : « Allons ! On ne part pas sur la tournée du patron ! Tu nous r’mets ça s’te plait ? »…
Le huitième, maintenant. Faites des paris sur n’importe quoi. Dès que vous n’êtes pas d’accord : « Tiens ! On parie une tournée ». Statistiquement, vous avez une chance sur deux de gagner ! Si vous gagnez… vous gagnez un verre du patron. Si vous perdez, vous payer deux verres, mais le patron étant commerçant, il vous en paiera un « Allez ! Sans rancune ! », et vous n’aurez rien perdu…
Si vous avez d'autres trucs, je suis preneur !
Si je comprends bien tu cherches à faire payer un patron qui bosse pendant que tu bulles au bistrot ?
RépondreSupprimerVivement la France d'après, je te le dis !
:-)
[Tu as la solution de racheter l'établissement et comme tu seras ensuite chez toi, tu pourras te faire offrir à boire. Mais économiquement, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne opération !].
Un vrai métier : se faire payer à boire.
RépondreSupprimerplus qu'un métier : une Science
RépondreSupprimerplus qu'une Science : un Art
RépondreSupprimerDes années de travail !
RépondreSupprimerNoublie pas l'autre blog, l'avant dernier billet !
RépondreSupprimerplus qu'un Art : un Sacerdoce et j'ose le dire: une Mission.
RépondreSupprimerC'est en lisant ce véritable Traité que je prend conscience que les qualificatifs tels que "ivrogne" ou "alcoolique" ne reflètent, en aucun cas,la nature Transcendentale des activités qui d'ordinaire se déroulent au zinc et de la Dialectique qui est à l'oeuvre dans le ce seul fait consistant à tenter de boire un coup à l'oeil
Chers amis !
RépondreSupprimerProfitons du retour de Tonnégrande dans la blogosphère après une absence légitime mais hors de portée de ceux qui n'ont aucun problème de foie, pour louer les qualités verbales de cet indivitu qui semble avoir retrouvé son mot de passe le seul jour depuis une quinzaine où il rentre chez lui sans avoir absorber plus de 30 cl d'un liquide de ma connaissance.
De la part d'un gazier qui vient de se faire payer un coup par le barman de la Comète, c'est gonflé. D'autant qu'il faut le dire, après deux ans de formation, je commence à l'avoir en main : boire un coup à l'oeil, il commence à connaître.