Agoravox a publié hier un article intitulé « où sont nos bistrots d’antan ? ». Je n’ai pas été consulté. Un oubli ?
Le rédacteur évoque les raisons de la disparition de bistros. Cet article est très intéressant et poétiquement nostalgique mais il faut apporter quelques précisions.
Avant cela, je souhaite revenir sur un commentaire laissé à 11h40 : « je fais cependant la distinction entre bistro, bar, café et pub. » Le type détaille les différences entre ces appellations. C’est du pur snobisme. Venez donc au bistro en bas de chez moi à 6h, à 11h, à 13h et à 21h, vous n’aurez pas l’impression d’être dans le même lieu. Le matin un café, le midi un bar puis une grosse brasserie et le soir un bistro qui dégénère parfois en pub lorsque des touristes débarquent ! N’importe quoi… Avant de parler des bistros, il faut connaître ! Et ne pas venir uniquement pour se taper une bière après la séance de ciné du samedi soir.
Revenons sur la disparition des bistros. L’auteur de l’article a oublié une des raisons : la raison économique.
Imaginons que le patron de bistro paye 2500 euros en loyer pour les murs et en remboursement pour le fond. Imaginons aussi que la marge sur un café soit de 60 centimes (il faut bien payer la TVA, l’entretien de la machine, l’eau, l’électricité… et le café). Imaginons que le bistro soit ouvert 25 jours par mois. Un rapide calcul nous apprend qu’il faut vendre 170 cafés par jour afin de commencer à gagner un peu de sous… qui permettront de payer les autres charges avant de devenir du bénéfice et de pouvoir envisager de fermer 15 jours en août pour se reposer.
Ce n’est pas un problème réservé aux bistros, tous les petits commerces ont le même !
Pour les bistros, à moins d’être dans une zone touristique, il faut une activité complémentaire (tabac, restauration, jeux, …). C’est peut-être pour ça que, dans le temps, il y avait tant de bistros… Une évolution de la société. Une station service dans un village ? Le patron faisait la mécanique, la patronne était à la caisse et rentabilisait ça en tenant un bistro. Le monde change…
A cette difficulté économique se rajoute le fait qu’il très difficile de tenir un bistro tout seul. Il faut ouvrir à 6 ou 7 heures et fermer à 20 ou 21 heures. Ca laisse peu de temps, non seulement pour la vie privée (vous allez quand chercher les mômes à l’école ?), mais aussi pour les tâches complémentaires (vous allez quand chez le grossiste acheter du sel de céleri pour servir avec les jus de tomate ?).
Il faut donc un employé… ce qui nécessite de vendre encore plus pour payer le salaire…
Voilà pourquoi les bistros ferment : ce n’est souvent pas rentable et il faut travailler beaucoup… Juste pour voir : divisez la marge de votre petit bistro préféré par le nombre d’heures de travail de la patronne ! Et arrêtez parfois de ronchonner quand le demi passe de 2€ à 2€10.
Le rédacteur du billet signalait avoir payé un sandwich, une boisson et un café 12 euros. Il devrait lire la carte des prix avant de commander. Dans un établissement normal, c’est entre 5,50 et 6€…
Ensuite, il considère comme principal concurrent des bistros les machines à café. Il n’a pas entièrement tort, d’autant que depuis une petite dizaine d’années la qualité du café dans ces machines est très correcte.
Mais, ce n’est pas le seul concurrent. Les chaînes de restauration rapide n’on plus d’ailleurs.
Il y a les boulangeries et les « points chauds ». A côté de chez moi, il y a trois points chauds et une boulangerie qui vendent des sandwiches et des boissons à emporter. Ils bénéficient d’une TVA à 5,5% et n’ont pas les mêmes charges (ils n’ont pas de toilettes, ne donnent pas des verres d’eau, n’ont pas des clients qui restent assis pendant 20 minutes pour consommer 1€ et surtout n’ont pas les mètres carrés nécessaires). Ils ne sont pas obligés de préparer les sandwiches devant le client et font eux-mêmes leur pain.
Ensuite, comme concurrent, il y a les restaurants d’entreprise (ou interentreprises). Le type qui se plaint de la disparition des cafés alors qu’il mange à la cantine est aussi bête que le type qui se plaint de la disparition des petits commerces et qui fait toutes ses courses au centre commercial !
Traduisons ça en chiffres : si une brasserie qui fait vivre 6 personnes à plein temps fait manger 100 personnes, une cantine avec le même personnel et deux ou trois extras entre midi et deux heures en fera manger 5 fois plus ! Comment voulez-vous qu’un bistro lutte ?
D’autant plus que les salariés qui ne sortent pas de leur immeuble pour manger n’ont aucune raison d’aller dehors prendre un café !
La troisième raison de la disparition des bistros, après l’aspect économique et la concurrence, est liée à « l’aménagement du territoire ». Les usines ne sont plus en ville mais en lointaine banlieue. Les bureaux sont regroupés dans des énormes bâtiments, regroupés dans des quartiers d’affaire, … La première conséquence est qu’il n’y a plus de bistro près des lieux de travail… La deuxième est qu’un bistro ne peut plus jouer sur une double clientèle (ceux qui habitent dans le quartier et ceux qui y travaillent) et ne peut plus être rentable !
C’est bien beau d’accuser les contrôles d’alcoolémie, les chaînes de télé, les machines à café et les tarifs exorbitants de provoquer la fermeture des bistros ! Mais tout ça n’est qu’annexe : c’est la société qui bouge.
Je connais beaucoup de types qui donnent des conseils aux bistros (tiens, un bistro vient de changer de patrons près de chez moi : l’Aéro). J’en connais beaucoup qui pensent connaître le métier et décident de refaire leur vie en rachetant un bistro pour avoir leur indépendance ! Ca me fait toujours rigoler…
Le rédacteur évoque les raisons de la disparition de bistros. Cet article est très intéressant et poétiquement nostalgique mais il faut apporter quelques précisions.
Avant cela, je souhaite revenir sur un commentaire laissé à 11h40 : « je fais cependant la distinction entre bistro, bar, café et pub. » Le type détaille les différences entre ces appellations. C’est du pur snobisme. Venez donc au bistro en bas de chez moi à 6h, à 11h, à 13h et à 21h, vous n’aurez pas l’impression d’être dans le même lieu. Le matin un café, le midi un bar puis une grosse brasserie et le soir un bistro qui dégénère parfois en pub lorsque des touristes débarquent ! N’importe quoi… Avant de parler des bistros, il faut connaître ! Et ne pas venir uniquement pour se taper une bière après la séance de ciné du samedi soir.
Revenons sur la disparition des bistros. L’auteur de l’article a oublié une des raisons : la raison économique.
Imaginons que le patron de bistro paye 2500 euros en loyer pour les murs et en remboursement pour le fond. Imaginons aussi que la marge sur un café soit de 60 centimes (il faut bien payer la TVA, l’entretien de la machine, l’eau, l’électricité… et le café). Imaginons que le bistro soit ouvert 25 jours par mois. Un rapide calcul nous apprend qu’il faut vendre 170 cafés par jour afin de commencer à gagner un peu de sous… qui permettront de payer les autres charges avant de devenir du bénéfice et de pouvoir envisager de fermer 15 jours en août pour se reposer.
Ce n’est pas un problème réservé aux bistros, tous les petits commerces ont le même !
Pour les bistros, à moins d’être dans une zone touristique, il faut une activité complémentaire (tabac, restauration, jeux, …). C’est peut-être pour ça que, dans le temps, il y avait tant de bistros… Une évolution de la société. Une station service dans un village ? Le patron faisait la mécanique, la patronne était à la caisse et rentabilisait ça en tenant un bistro. Le monde change…
A cette difficulté économique se rajoute le fait qu’il très difficile de tenir un bistro tout seul. Il faut ouvrir à 6 ou 7 heures et fermer à 20 ou 21 heures. Ca laisse peu de temps, non seulement pour la vie privée (vous allez quand chercher les mômes à l’école ?), mais aussi pour les tâches complémentaires (vous allez quand chez le grossiste acheter du sel de céleri pour servir avec les jus de tomate ?).
Il faut donc un employé… ce qui nécessite de vendre encore plus pour payer le salaire…
Voilà pourquoi les bistros ferment : ce n’est souvent pas rentable et il faut travailler beaucoup… Juste pour voir : divisez la marge de votre petit bistro préféré par le nombre d’heures de travail de la patronne ! Et arrêtez parfois de ronchonner quand le demi passe de 2€ à 2€10.
Le rédacteur du billet signalait avoir payé un sandwich, une boisson et un café 12 euros. Il devrait lire la carte des prix avant de commander. Dans un établissement normal, c’est entre 5,50 et 6€…
Ensuite, il considère comme principal concurrent des bistros les machines à café. Il n’a pas entièrement tort, d’autant que depuis une petite dizaine d’années la qualité du café dans ces machines est très correcte.
Mais, ce n’est pas le seul concurrent. Les chaînes de restauration rapide n’on plus d’ailleurs.
Il y a les boulangeries et les « points chauds ». A côté de chez moi, il y a trois points chauds et une boulangerie qui vendent des sandwiches et des boissons à emporter. Ils bénéficient d’une TVA à 5,5% et n’ont pas les mêmes charges (ils n’ont pas de toilettes, ne donnent pas des verres d’eau, n’ont pas des clients qui restent assis pendant 20 minutes pour consommer 1€ et surtout n’ont pas les mètres carrés nécessaires). Ils ne sont pas obligés de préparer les sandwiches devant le client et font eux-mêmes leur pain.
Ensuite, comme concurrent, il y a les restaurants d’entreprise (ou interentreprises). Le type qui se plaint de la disparition des cafés alors qu’il mange à la cantine est aussi bête que le type qui se plaint de la disparition des petits commerces et qui fait toutes ses courses au centre commercial !
Traduisons ça en chiffres : si une brasserie qui fait vivre 6 personnes à plein temps fait manger 100 personnes, une cantine avec le même personnel et deux ou trois extras entre midi et deux heures en fera manger 5 fois plus ! Comment voulez-vous qu’un bistro lutte ?
D’autant plus que les salariés qui ne sortent pas de leur immeuble pour manger n’ont aucune raison d’aller dehors prendre un café !
La troisième raison de la disparition des bistros, après l’aspect économique et la concurrence, est liée à « l’aménagement du territoire ». Les usines ne sont plus en ville mais en lointaine banlieue. Les bureaux sont regroupés dans des énormes bâtiments, regroupés dans des quartiers d’affaire, … La première conséquence est qu’il n’y a plus de bistro près des lieux de travail… La deuxième est qu’un bistro ne peut plus jouer sur une double clientèle (ceux qui habitent dans le quartier et ceux qui y travaillent) et ne peut plus être rentable !
C’est bien beau d’accuser les contrôles d’alcoolémie, les chaînes de télé, les machines à café et les tarifs exorbitants de provoquer la fermeture des bistros ! Mais tout ça n’est qu’annexe : c’est la société qui bouge.
Je connais beaucoup de types qui donnent des conseils aux bistros (tiens, un bistro vient de changer de patrons près de chez moi : l’Aéro). J’en connais beaucoup qui pensent connaître le métier et décident de refaire leur vie en rachetant un bistro pour avoir leur indépendance ! Ca me fait toujours rigoler…
excellent billet
RépondreSupprimeren province c'est pareil
ma province c'est la normandie!
Merci Olive
RépondreSupprimerTrès instructif en effet, Nicolas :)
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai une certaine aversion pour les bistrots et puis, les femmes n'y sont pas souvent les bienvenues. J'aimerais me poser au comptoir et écouter tout simplement.
Mais je me régale de lire tes anecdotes truculentes, ça a des accents de Pagnol ;)
Merci !
RépondreSupprimerEt c'est vrai que les femmes ne sont pas toujours bien accueillie au bistro.