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13 septembre 2010

En route pour un moment parfait

Quand j’ai fait mon billet sur les moments parfaits, je n’ai pas cité un de mes préférés : les longs trajets en voiture, tout seul, sans la radio, avec la tête vide de tout souci. Je ne l’ai pas cité, non pas parce que j’avais peur de passer pour un beauf mais parce qu’il manquait un élément à ma réflexion. Je l’ai retrouvé à l’occasion de mon aller-retour en Bretagne (une bricole, il ne faut aucune préoccupation comme le temps que vous risquez de perdre dans les embouteillages ou un hôtel à trouver).

J’adore rouler seul pour la simple raison que la seule occupation possible est de laisser errer son cerveau, de penser à tout et à n’importe quoi, à la dernière soubrette que vous avez levée, au prochain billet de blog que vous allez écrire, à la fois où Gaël et Balmeyer se sont vomis mutuellement dessus, au Rébus du dimanche (que vous avez loupé alors que vous aviez bien « clé » et « âtre » et donc Cléopatre mais qu’il vous manque le « hop »), …

Le moment est encore plus parfait qu’une pause en terrasse de bistro où vous êtes toujours tentés de mettre la main dans l’iPhone, dans le journal, dans un bouquin ou dans la culotte de la serveuse. J’imagine qu’une promenade tout seul en Montagne ou un long trajet à la voile doit donner la même impression. L’esprit n’étant accaparé que par la contemplation des paysages, vous pouvez le laisser vagabonder comme vous voulez, comme il veut.

Vendredi matin, j’ai loué ma voiture, j’étais sûr de pouvoir arriver en Bretagne, mes soucis de carte bancaire étaient enterrés. Sortir de Paris, passer le péage. Régler le régulateur de vitesse (indispensable, ce truc) sur 130 et tout oublier, vers 12h30. Je savais où j’allais. Je savais que j’allais arriver à la maison vers 17 heures, aller boire un coup avec les copains vers 18 heures, revenir dîner plus tard, ressortir ensuite, rentrer dans la nuit, ne rien avoir à faire jusqu’au lendemain, 11h30.

Ainsi, vendredi matin, vers midi trente, j’avais plus de quatre heures devant moi, presque cinq en comptant les pauses dans des stations d’autoroute. J’adore aussi ces pauses dans les stations, elles me permettent d’atterrir dans ma rêverie pour la réalimenter par les commentaires des blogs que j’aurais pu recevoir, l’observation des gens. Ils sont fascinants à observer les gens. Un pique nique au bord de l’autoroute ou un déjeuner dans une cafétéria devient le moment de leur vie. Le choix du sandwich devient la priorité absolue, le « grand moment » de la journée, comme s’ils n’allaient pas oublier, trois minutes après l’avoir ingurgité s’il était parfumé au jambon de Bayonne ou à la rhubarbe.

J’aime me mettre à ses grands guéridons près des machines à café. A peu près la moitié des clients demandent à haute voix : « Bon, comment ça marche ? » ou appuie sur le bouton avant de mettre la monnaie en gueulant parce que ça ne marche pas. J’en avais parlé une fois dans un billet, des gens qui gueulaient parce que les machines étaient vides à l’heure de pointe, sans même se rendre compte qu’elles étaient vides parce que c’était l’heure de pointe.

J’aime écouter les conversations de personnes n’ayant rien à se dire (ayant passé deux heures de voiture ensemble). « J’espère que ça va bien rouler jusqu’à Paris. » « Oui, hein »… « J’espère qu’il ne va pas pleuvoir sinon on serait obligés de manger dans le séjour. » « Tiens, j’avais déjà pris ce sandwich, lors des dernières vacances, je ne me rappelais pas qu’il était aussi bon. » « Ah ! Tu as prise de la Vittel, il n’y avait pas d’Evian ? ».

Après, je vais pisser un coup me repoudrer. Non, monsieur, ce n’est pas la peine d’appuyer là, c’est le boulon qui retient le machin pour le savon, passez vos mains sous le robinet, il s’allumera automatiquement.

« Pour votre confort, nous nettoyons régulièrement cette toilettes » est affiché partout avec l’horaire de passage des employés qui doivent signer un truc. C’est vrai qu’elles étaient confortables : j’étais bien assis, comme dans un fauteuil. Comme si le directeur de la communication de ce grand groupe pétrolier désenglué de l’affaire Erika pense qu’on va retourner faire une plein dans sa station parce que c’est affiché qu’un coup de serpillère est passé toutes les deux heures.

Alors, je remonte dans ma voiture. Il me tarde d’arriver, répondre à ce commentaire que j’ai reçu à un billet de blog et que j’ai lu avec l’iPhone en prenant mon café. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui répondre ? Tiens ! Et si j’en faisais un billet de ces pauses café dans des stations préformatées, avec un mélange de vieilles femmes de ménage et de jeunes caissières accorte ?

Les kilomètres défilent, les pensées ralentissent. Ah ! Le péage. Penser à régler le régulateur sur 110.

Allez ! Une dernière pause ? Ouaip. Je suis dans les temps.

6 commentaires:

  1. Joli billet. C'est bien de laisser trainer ses pensées. J'aime le faire quand je vais courir ou faire du vélo, et que le podcast que j'écoutais sans écouter s'arrête, et qu'il ne reste que le vide et le cuicui des oiseaux.

    Par contre, j'arrive pas les régulateurs de vitesse...

    Joli billet

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  2. Moi, sur l'autoroute, je mets le régulateur sur 108. Comme ça, je n'ai plus à me préoccuper des variations 110/130.

    Mais évidemment, faut pas être pressé...

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  3. Décidément j'aime bien venir te lire Nico , tu me fais rire avec tes billets remplis de vérités ! :o)

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  4. C'était un moment parfait que de te lire ainsi…
    J'avais ce plaisir là amplifié quand je remontais de Toulouse dans le camion de déménagement. Je n'étais que passager et n'avait rien d'autre à faire qu'à laisser faire. Mon esprit a beaucoup voyagé !
    :-))

    [Bel article ! :-) ].

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  5. Rhooo c'est joli la poésie de la banalité. Superbement ciselé ce billet, merci.

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  6. Falcon,

    Entraine toi, pour les régulateurs, pour les longs trajets, c'est vraiment bien.

    Didier,

    Vous faites partie de ces chieurs qui provoquent des bouchons parce qu'ils refusent de rouler à 130 !

    Nancy,

    Merci !

    Poireau,

    Quand tu es passager, tu peux faire autre chose, lire, ... Au volant, tu ne peux rien faire...

    Laurent,

    Ici, c'est moi qui remercie !

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