Deux amis blogueurs ont récemment sorti des livres avec des
textes spécifiques ou des textes de leurs blogs respectifs. J’ai appris après
qu’ils avaient été contactés par une maison d’édition spécialisée qui promet une
« publication gratuite ». En première analyse, il ressort qu’il n’y a
pas de travail d’édition (relecture, promotion,…) et que les livres sont très
chers donc difficilement vendables par un auteur peu connu…
Je ne suis pas vexé de ne pas avoir été contacté. Il n’empêche
qu’une lectrice friponne (mais réactionnaire) me demande si j’aurais pu
succomber à une telle offre. La réponse est clairement négative pour le blog
politique. Pour le blog bistro (ici, donc), ça m’aurait intéressé pour des
billets relativement anciens avec des extraits comme celui-ci, avec ma visite
chez le coiffeur :
« Je suis reçu par ma grande
blonde qui me lave langoureusement les cheveux puis m’enturbanne. Du verbe
enturbanner, ce qui n’a rien de cochon. Le temps du transport jusqu’à la chaise
de coupe (je vous rappelle que ma spécialité c’est le consulting pas la
coiffure), nous papotons. Ma grande blonde a la voix éraillée. Probablement la
fatigue consécutive à une journée de boulot.
« Je vous coiffe comment ? » « en
silence ».
J’ôte mes lunettes. Ma coiffeuse
ne fait rien d’exceptionnel. Juste son boulot : elle me coiffe. Je vais
illustrer ce billet avec ma photo avec la coiffure reconstituée. […]
Pendant la coupe elle se penche
sur moi à me faire frémir à un point qu’il a fallu que je fasse preuve d’un
self contrôle incroyable. Mais mon émotion n’a duré qu’un temps. Quand elle fut
assez près pour que je puisse lire son badge sans mes lunettes mais avec son prénom,
j’ai lu : « Matthieu ». Ah ?
A la fin du coiffurage, elle va
chercher mon manteau. Je le suis. Du verbe suivre. Je constate que non
seulement elle n’a pas de poitrine mais qu’elle n’a pas de fesses alors que
j'attendais ce suivage avec impatience. Ma grande coiffeuse blonde n’en était
pas une[…]. »
Ou alors, celui-ci,
qui commence par : « C’est bien plus drôle
quand c’est Marcel qui raconte. D’ailleurs Fiso a fait pipi dans sa culotte en
entendant Marcel ce qui faisait ronchonner Josiane qui venait de faire le ménage.
Tout commence par Marcel qui se
coince la peau du truc (traduisez « la bite » mais Marcel est très prude - il
parlait même de « la zigounette ») dans la braguette.
On ne sait pas trop pourquoi. Il
nous dit que c’était en allant changer l’eau des patates (traduisez « pisser »)
mais j’ai un doute sérieux. Pensez-vous vraiment que, quand un taxi parisien
indique avoir un problème de braguette dans le bois de Boulogne, c’est en
allant pisser ? »
Je pourrais prendre quelques textes du blog politique, ceux
avec "les personnage". Un important travail de sélection serait à
réaliser (il y a huit mille billet entre les deux blogs) puis un travail de réécriture
d'une part pour améliorer la syntaxe et d'autre par pour supprimer tout ce qui
est spécifique au blog (dans le premier extrait, ci-dessus, j’ai fait deux
coupes, par exemple)..
Une introduction courte permettrait de planter le décor et
une rapide conclusion serait nécessaire. Quelques passages devraient être ajoutés
pour "remplacer" des billets qui ne pourraient être repris mais qui
racontent des passages importants de la vie du quartier, notamment les
changements de propriétaires des bistros.
Une conclusion politique pourrait être tirée. L'histoire de
mes personnages s'est arrêtée ou presque avec ses changements de patrons. Le
comptoir de la Comète a été déserté par ces bonhommes. Il ne reste plus que le
Vieux Joël, Tonnégrande et moi... Le vieux Jacques picole à l'Amandine et ne
vient plus en soirée au bistro. Marcel Le Fiacre ne vient plus trop au bistro.
Le gros Loïc est retourné en province. Djibril a des horaires incompatibles
avec les nôtres. Hassan a disparu. Henri et Abdel sont morts. Émilie et Jim
sont retournés dans le nord.
Tous les bistros du quartier ont pris une claque. Les
anciens clients disparaissent mais le stock ne se renouvelle pas. La crise
économique est passée par là tout comme les évolutions de la société.
Pour ce qui concerne la Comète, il y a eu deux grosses
erreurs. La première, en janvier 2008 : le nouveau patron n'était pas fait pour
ça. Il ne causait pas avec les clients et il tenait à fermer à 21h. La
deuxième, en juin 2008 : le "nouveau nouveau" patron avait décidé de
fermer le comptoir à 19 heures à 19 heures pour favoriser la restauration en
salle.
Juin 2008 : fermeture du comptoir donc départ des clients.
La politique de la maison a changé par la suite mais la crise économique est
arrivée, visible dans les bistros à partir du premier semestre 2010. Dans tous
les bistros. Les bistros du quartier avaient tenu jusque fin mars, sous
perfusion avec les ouvriers et ingénieurs qui construisaient le centre
commercial. Il a ouvert fin mars ce qui a généré une nouvelle concurrence. Mais
les lieux de restauration rapide dans le centre ferment aussi.
Les personnages se faisant très rares au comptoir, les
billets son partis. Les lecteurs aussi (environ 30% en moins de lecteurs
réguliers).
Revenons à mon livre. Il me donnerait beaucoup de boulot
pour un résultat incertain. Le seul truc que je sais est que le blog avait
trouvé ses lecteurs pour ses histoires de bistros, ces histoires de la vraie
vie.
Pour qu'il marche, il faudrait un vrai éditeur qui en assure
"la finition" et la promotion. Il faudrait donc qu'il investisse et
je ne crois pas qu'un seul type soit près à investir pour des histoires de
petits vieux au bistro.
Mais je m'en fous. Ce que je veux c'est avoir de nouvelles
histoires à raconter et c'est mal barré. Dans quelques années, les bistros
de banlieue fermeront à 20 heures, sauf ceux destinés aux branleurs agressifs
de moins de trente ans (je me comprends).
Il n'y a pas que le soir qui "va mal" au bistro.
Toute l'activité de comptoir est terminée. Je me rappelle des dimanches midis
vers 2005. C'est là que sont nés la plupart des personnages. Je voyais par
exemple Régine, Janine, Casquette, Michel, Alvez, Patrice, Jacques, Jim,
Marcel, Jean-Michel, 2 Philippe, Djibril, Roger, Jean Luc,... Maintenant, je
vois Jacques, Patrice et Alain. Point barre.
Une page de l’histoire s’est tournée.
L’histoire vaut bien un livre mais je n’ai ni courage ni
talent à part celui de faire sourire quelques passants.
Ca serait un chouette bouquin... En préambule, tu pourrais mettre le délicieux billet sur les anecdotes (là où tu parles du "je vais me voir la bite" qui m'avait fait mourir de rire au moment où je l'avais lu). Ca serait un merveilleux bouquin...
RépondreSupprimerSinon c'est bizarre d'avoir été contacté aussi. Je ne sais pas où cette société est allée chercher les sites... Surprenant.
La volonté de faire sourire les passants est sans doute la plus belle des qualités (avec celle d'offrir à boire au collègue qui passe par là)
Merci ! Tiens ! J'avais oublié ce billet...
RépondreSupprimerLes boites bossent avec des agences de com qui fournissent des listings établis avec des machins comme Wikio.
Faire sourire quelques passants requiert déjà un foutu balèze de talent, que tu as.
RépondreSupprimerMais il est vrai que tu t'en fous royalement, que le monde de l'édition est un incroyable merdier que tu finirais (je suppose) par envoyer bouler et tu n'aurais franchement pas tord.
Mon Zoeuil, t'es un blogueur littéraire et puis c'est tout. Au boulot !
Merci ! Littéraire n'est pas le mot...
SupprimerLe truc pour faire sourire les gens est d'avoir de l'affection pour les gens dont on se fout de la gueule. Si je n'aimais pas (pas au sens sexuel, hein !) Marcel, je ne pourrais pas raconter ses conneries...
Moi je vois bien un bouquin de Nicolas Jégou dans ma bibliothèque, avec une dédicace à la bière.
RépondreSupprimerT'as une bibliothèque maintenant ? ;-)
SupprimerOui, un peu.
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