C’était
lundi soir, vers 21 heures, à la Comète. Quelques personnes dînaient en salle
et en terrasse. Guillaume était au service et son pote Noël lui filait un vague
coup de main, débarrassant les tables. Nous étions quatre au comptoir. Un type
tout seul, à un bout. J’étais avec Laverdure et le vieux Joël et nous
refaisions calmement le monde. On était en famille, quoi !
Un
type, tout gros, tout rouge, entre… Il se met à côté de nous et prend une
Grimbergen de Noël. Il commence à discuter mais nous lui faisons comprendre
gentiment qu’il est malvenu. Il essaie de discuter avec Guillaume qui n’avait
pas grand-chose d’autre à faire.
Il
vide sa bière et en commande une autre puis demande un sandwich. Guillaume lui
explique qu’ils n’en font pas et Laverdure lui tend une carte. Le type commence
à ronchonner, regarde la carte, la critique, trop cher et tout ça… « Je ne comprends pas qu’un bistro ne fasse pas de sandwich. »
« C’est comme ça, ce n’est pas un bistro mais
un restaurant » lui réponds-je.
Le
type, ne reculant devant aucun pléonasme, sort dehors pour fumer une cigarette.
Guillaume me regarde et me dit « Quel
casse-couilles, je n’avais pas vu qu’il était saoul, je ne vais pas le
resservir. » « Ben non, vaudrait
mieux pas » « Je peux te faire passer
pour le patron et lui dire que c’est toi qui m’as dit de ne plus le servir ? »
On faisait ça, parfois, avec Clémence. Ma cravate à chier me donne de l’autorité
et ma carrure fait que les gens n’osent pas regimber.
Je
dis à Guillaume : « Ah ! On va
rigoler, ça te dérange pas si je passe derrière le comptoir ? »
« Non non ». J’enlève le manteau
et passe de l’autre côté. Je crois bien qu’en 16 ans, c’est la première fois
que j’arpentais cette partie du bistro. J’en profite pour me servir une bière
pour voir si j’avais gardé la main.
Le
client rentre et continue à ronchonner parce qu’il avait faim tout en me
complimentant pour le service et la qualité de mon personnel. Je jouais à faire
le patron, ramassant le pourboire qu’il avait laissé et rangeant dans le panier
le verre de l’autre client qui s’était barré.
Le
type vide son verre et m’en commande un autre. « Ah
non, m’sieur, je ne vous sers plus. » « Ben pourquoi ? » « Parce que vous avez trop bu, parce que vous critiquez ma
carte, parce que vous critiquez mes serveurs… » « Mais non, je n’ai pas bu et je n’ai pas critiqué les
serveurs, au contraire, j’ai dit que c’était très bien. » « Je
ne veux pas l’savoir »… Bref…
Les
derniers clients en salle et en terrasse s’étant barrés, je dis aux serveurs :
« C’est bon les gras, commencez à plier la
petite terrasse. » Je vous l’ai dis : je jouais au patron et
ils jouaient aux loufiats. Des vrais gosses !
« Allez, remettez-moi un verre, s’il vous plait, votre
bar est génial ! » « Ah
non, Monsieur, je ne vous sers plus, je vous ai dit. D’ailleurs on ferme, les
serveurs ont commencé à rentrer la terrasse. »
Le
vieux Joël vide son verre. « T’en veux un autre, le vieux, c’est ma
tournée ? » Ben oui, tant qu’à jouer au patron… « Ouais mais le dernier. » Je le sers. « Ben vous le servez lui et pas moi, vous pouvez me servir
aussi, je boirai vite » dit le gros con. « Je vous ai dit que je ne vous servais plus, partez,
maintenant ! »
Il
est parti.
Les
serveurs qui rentraient la petite terrasse l’ont clairement entendu me traiter
d’enculé. Ce n’est pas gentil.
(photo)
(photo)
*** Ah ! la cravate et la prestance d'un Nicolas font toute la différence avec un client lambda des bistrots !!! ;o) ... "les borgnes sont rois au pays des aveugles" ! LOL ;o)
RépondreSupprimerBref ! faut bien s'amuser un peu de temps en temps ! ;o) ***
On s'amuse, on s'amuse ! Bonne journée !
SupprimerGloire!
RépondreSupprimerOui hein !
SupprimerCe n'est pas une photo de la Comète !
RépondreSupprimerTu as été un patron efficace ;-)
Toujours.
SupprimerPlus qu'un métier, une vocation :)
RépondreSupprimerOui, hein !
SupprimerIl est encore temps de te recycler, on sent que tu es passé à côté de ta vie ! ... t'as raison, c'était pas gentil ce qu'il a dit le monsieur.
RépondreSupprimerNon. C'est méchant.
SupprimerLe rêve absolu de tout homme de gauche : devenir patron durant une demi-heure…
RépondreSupprimerPas du tout... D'ailleurs, j'avais fait un billet, une fois. Beaucoup de patrons de bistros sont à gauche.
SupprimerÇa n'est pas contradictoire…
SupprimerLe monsieur, il était peut être un petit peu paumé...Il trouve un rade ouvert où il a envie de finir sa soirée...Comme ça m'est arrivé plusieurs fois lorsque j'étais "obligé de monter à Paris"...Avant d'aller se coucher, trouver un rade ouvert, ce n'est que du bonheur quand on débarque de sa province lointaine...
RépondreSupprimerTu es dans ton bistro(t)...Tu as tes habitudes...Essaye au moins d'avoir un petit peu de recul par rapport aux clients qui te semblent "atypiques"....
Heu... Ben j'ai du recul ! Tu veux me faire chier pour le principe, ou quoi ? Le type était saoul et gueulait après la carte, on l'a viré. C'est tout.
SupprimerToi t'as joué à la marchande avec ta soeur quand t'étais p'tit ! C'est comme le vélo, ça s'oublie pas !
RépondreSupprimer:DDDD
Parfaitement !
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