Le 1880 est étrangement vide ce soir. Le patron semble aussi surpris que moi puisqu'il a fait venir les deux serveuses. Pour un soir de résultat du bac, c'est étonnant. Le patron pense qu'ils arriveront déjà "chauds" vers 22h ou 22h30.
Une des serveuses est la fille de la patronne du bistro que je fréquentais entre 84 et 92 ou 93. Je suppose qu'elle a 23 ans mais j'ai du mal à reconstituer ces années. Ça m'avait donné le même sentiment, la dernière fois que je suis rentré à Loudéac, le jour où elle a pris ses fonctions au comptoir. J'étais assez intime avec ses parents vers ces années là. Ils ont fermé le bistro en 1993. Le père a passé un concours et est entré aux impôts. Il a eu son premier poste en région parisienne, nous faisions le voyage ensemble. Puis les aléas de la vie nous ont séparés. De la vie ? Bof...
J'ai vu sa mère deux ou trois fois depuis mais j'ai continué à avoir des nouvelles par des copains. Je n'avais jamais revu "la petite" depuis. N'allez pas croire que je fais dans le sentimental, je vous explique.
Je suis client au 1880 depuis son ouverture, il y a trois ou quatre ans. J'étais client depuis 1986 ou 87 du prédécesseur, qui était tenu par le père du taulier actuel. Le 1880 est mon bistro principal depuis 2001 (je m'en rappelle à cause du passage à l'euro).
Depuis que le fils a repris la boutique qu'il a entièrement refaite, la plupart des clients ont de 17 à 21 ans mais il reste quelques clients de l'époque. Ce soir, je suis le seul mais ça devrait changer à la fermeture du Cornouailles, vers 22h30 ou 23h, quand ils vont rappliquer. C'est pareil tous les vendredis quand je suis à Loudéac.
Les serveuses sont un peu plus vieilles que les clients mais ça n'empêche pas que j'ai sans doute un peu plus du double de leur âge.
Je résume : une des serveuses du bistro a environ l'âge qu'avait sa mère quand elle a ouvert son bar, il y a trente ans, dont la plupart étaient des jeunes de 17 à 21 ans - dont moi au début, mais je suis resté fidèle 7 ou 8 ans - comme dans le bistro où elle bosse maintenant où je suis un client assidu depuis plus de 10 ans.
Mais non ! Vous y êtes pas. Je ne fais pas un coup de vieux. Je plante un décor pour poser une question.
La question ! La question !
Avec les autres serveuses (et les serveurs d'avant), on a une relation normale : la dose de vulgarité qu'il faut pour ne pas sombrer dans l'ennui. Genre : "hé la blondasse arrête de remuer tes nichons devant l'autre connard et sers moi une bière !" "Ta gueule vieux con, tu auras ton demi quand j'aurai envie de te le servir." "Oui ma chérie, tu es la plus belle ce soir." "Bon, ça va, la voila ta bière."
Avec la nouvelle, que je n'ai pas vu depuis vingt ans et dont j'étais proche des parents que j'ai maintenant perdu de vue, depuis cette époque, il ne me viendrait pas à l'idée d'avoir ce genre de rapports. Elle ne me connait pas et ne sait pas les relations que j'avais avec ses parents.
N'est-ce pas étrange ?
Comme il n'y a toujours pas de client, les deux serveuses discutent avec un jeune client. Il a un problème avec son smartphone : il est maintenant en chinois. A un moment, quelqu'un lui dit qu'il a été piraté. Il dit : "ah oui ! Comment il s'appelle, déjà, le réseau social chinois ?"
J'ai répondu "Weibo, pourquoi ?"
Les jeunes...
Dernière anecdote qui n'a rien à voir. Marcel le Fiacre, 75 ans, était en vacances aux Baléares. Dans la semaine, je le vois au bistro, au Kremlin-Bicêtre. Il me dit : "Tiens ! J'ai rencontré un couple, aux Baléares. Il était de Loudéac. Je leur ai dit que je connaissais quelqu'un du pays et leur ai dis ton nom. Ils te connaissaient. C'est incroyable." "Non Marcel, ce n'est pas incroyable, ma famille habite là-bas depuis l'après guerre, c'est logique qu'ils puissent connaître le fils de mes parents..." "Ah oui".
J'avais oublié cette anecdote quand ma mère me dit, ce soir : "Tiens ! J'ai vu Léontine et Francis, l'autre jour, à la soirée du PS, ils m'ont dit qu'ils ont rencontré quelqu'un qui te connait bien à Bicêtre." "Ah ! Marcel Le Fiacre !" "Celui de ton blog ?" "Ben oui, tu leurs dira que c'est un des militants du FN local". "Ah..."
J'étais en classe avec leur fille. Elle a le même prénom que "ma" serveuse. Je m'en suis rappelé en rédigeant ce billet.
Les premiers clients arrivent. Ils sont effectivement déjà saouls. Mais dans chaque groupe, il y en a un qui ne boit pas d'alcool.
Ça fait au moins un changement par rapport à 1984, l'année de mon bac.
Que je n'avais pas fêté, d'ailleurs. J'étais assez persuadé de redoubler et n'avais rien prévu.
Envoyé de mon iPhone
Arrête de nous faire chier avec ton blog et écrit des grands romans. Tu as la plume & les anecdotes.
RépondreSupprimerNon. Mais merci.
SupprimerMadame ta mère va bien ? Tu transmettras le bonjour.
RépondreSupprimerOk. Merci.
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