Pages

02 décembre 2013

Le chien

Quand j’étais plus jeune, il y avait toujours des chiens, à la maison. J’ai un peu oublié le premier qui est mort quand je n’avais pas dix ans. Etrangement, je me rappelle des circonstances de l’annonce de sa mort. Ce sont les éboueurs qui l’ont trouvé sur le bord de la route et ont prévenu ma grand-mère qui vivait à la maison. A la réflexion, je me demande si ce n’est pas le genre de souvenir qu’on invente.

Le deuxième, Loupi, est arrivé l’année de mes 10 ans. Officiellement, c’était le fils du teckel de mon oncle mais, vu la tronche du chien, je suppose qu’il était cocu. Pas le chien ou mon oncle, le teckel. Il est mort « de vieillesse », une douzaine d’année plus tard. Je ne sais plus quand, exactement. On ne note pas ce genre de dates.

Le cerveau est fait bizarrement. Par exemple, pendant des années, je me suis rappelé de la date de la mort de ma grand-mère, l’autre, avec la carte grise de ma voiture puisque sa première sortie, de la voiture, pas de la grand-mère, c’était sa dernière, était pour aller à l’enterrement.

Le dernier, Deïta, est arrivé peu après à la maison, maison que j’avais déjà quittée mais je rentrais tous les week-ends. Il est mort de vieillesse, 16 ans plus tard. A vue de nez, ça fait un peu moins de dix ans. J’ai complètement oublié.

Quand le chien vieillit, on le voit souffrir. Monter les escaliers devient une horreur, il faut le trainer pour le promener,… On s’attend à sa mort et elle devient une délivrance. Pas du tout la même qu’un être humain, heureusement. Il n’y pas la tristesse. Tiens ! Il n’y a plus de chien. On se rappelle avec nostalgie les années où il a été le compagnon fidèle, celui qui vous accueillait avec la même joie que vous rentriez de trois semaines de vacances ou d’une course de cinq minutes à la boulangerie du coin. Cette andouille qui comprend quelques mots de français au point que le mot « promener » devient tabou…

L’émission des chiffres et des lettres était diffusée vers 18h40 et ma grand-mère la regardait tous les jours. Nous passions à table juste après. Un jingle signalait la fin du jeu. Loupi devait alors fou, il savait qu’il allait prochainement gagner les croutes de fromage et tout ce que l’on peut refiler à un chien malgré les conseils. D’ailleurs, on servait le repas des chiens vers 18 heures mais ces espèces de fumiers attendaient toujours la fin du nôtre pour se mettre à table, gardant l’espoir d’avoir quelques restes qui le changeraient du quotidien.

Le jeune chien est celui qui rythme la maison, celui qui vient vous mordiller pour jouer, celui qui fait semblant de s’intéresser à ce que vous faites. Vous ouvrez l’armoire où sont rangées les valises. Il devient presque fou parce que ces valises représentent quelque chose. Pense-t-il au contenu des vacances, au fait que les journées seront rythmées de longues promenades, qu’il aura tout son monde autour de lui en permanence ?

Le jeune chien, celui qui monte dans la voiture dès que vous ouvrez une portière, pour qu’on ne l’oublie pas…

Elstir est mort, aujourd’hui. Il avait quatre ans. Il était malade. Catherine et Didier sont assurés de mon amitié ce que je n’ai pas besoin de écrire.

Quand j’ai appris la mauvaise nouvelle, par le billet de Didier, j’ai été ému. Je suis allé deux fois chez eux du temps d’Elstir, avec Tonnegrande qui n’est pas mort, il bande encore. Elstir était la maison, ce gros machin, toujours dans vos jambes.

Tiens ! Ce week-end, j’ai passé un bout de temps au 1880, tout seul, vendredi soir. J’observais le chat du bistro. A chaque fois qu’un client ouvrait la porte pour entrer ou sortir, le chat en profitait. Cette espèce de bestiole passe une partie de sa vie à attendre devant la porte que quelqu’un l’ouvre pour pouvoir passer de l’autre côté pour attendre la personne suivante qui lui permettra de changer de côté à nouveau… C’est étrange, je pensais à Elstir, que j’ai pourtant si peu vu (deux nuit au Plessis-Hébert et une nuit chez les Castor…).

Je pense au vide, dans la maison. Pendant des mois, Catherine et Didier penseront à Elstir quand ils ouvriront la porte ou feront n'importe quel geste du quotidien qui aurait intéressé ce patapouf, comme j'ai pensé à Loupi, pendant de récentes vacances, en entendant par hasard le jingle de Des chiffres et des lettres, 25 ans après sa mort.

Adieu, l’ami.

35 commentaires:

  1. Magnifique billet.
    Mais arrête, tu vas me faire chialer.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci.

      J'ai ce billet pour te faire chialer. Nananère.

      Supprimer
    2. Eh ben, on chialera ensemble, comme ça on aura l'air encore deux fois plus cons…

      Supprimer
    3. Mieux vaut avoir l'air con à deux que tout seul.

      Supprimer
    4. C'est ce qu'on se répète depuis ce matin, Catherine et moi.

      Supprimer
    5. Ben vous êtes trois. Ça va finir en partouze.

      Supprimer
    6. Bon courage en tous cas. Je compatis.

      Supprimer
    7. Oui. Bon courage pour la partouze avec Elooooody. C'est une féministe. Elle va exiger l'égalité.

      Supprimer
    8. Et voilà... 3 commentaires et ça part en sucette.

      Supprimer
    9. À propos de sucette et de clébards, je ne vous dis pas le nonosse que j'ai à disposition !

      (Et merci pour votre compatisserie.)

      Supprimer
    10. Didier, je vous rappelle qu'officiellement vous avez une petite bite dans les blogs.

      Elooooody, je fais un beau billet, émouvant comme tout, et tu parles de sucette. Le billet sur les prostituées est sur le blog politique un peu réac.

      Supprimer
    11. Merci. Aujourd’hui ça me fait tout drôle de ne pas butter à chaque pas dans ce gros patapouf qui ne me quittait pas d une semelle.

      Supprimer
    12. Ouais. J'imagine très bien.

      De rien

      Supprimer
    13. Catherine, quand tu parles de moi sur des blogs de gauchistes, j'aimerais bien que tu ne dises pas : « Ce gros patapouf qui ne me quittait pas d'une semelle. » On a sa dignité, bordel !

      Supprimer
  2. Moi, mes chats / chiens, c'étaient : Moumoune, Misou, Minou, Pataud, César, Léto ! Depuis, plus de boules de poils à la maison ! Tant qu'à avoir une boule de poil, autant qu'elle ait droit à la parole, puisse faire la vaisselle et accompagne les soirées d'hiver et les après-midi d'été !

    RépondreSupprimer
  3. Le sort semble s'acharner.
    Je suis allé plusieurs fois sur la pointe des pieds chez Didier, et puis une sorte de timidité m'a fait faire demi-tour, je pensai lui dire ma sympathie. Pour le chien bien sûr et puis aussi pour cette autre raison évoquée dans un billet un peu plus ancien. Faudrait pas être timide. Faudrait pouvoir écrire les choses simplement là où elles doivent être écrites...
    Tu ne m'en voudras pas j’espère d'avoir laissé ici ce message destiné à un autre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Petit bonhomme, j'ai fait la même chose ... et suis repartie sur la pointe des pieds.
      C'est ballot.

      Supprimer
    2. Ben dites le lui franchement ! Vous pouvez commenter chez lui. Ce n'est pas qu'un immonde réactionnaire fasciste hitlerien avec du poil dans les oreilles. C'est aussi un être humain.

      Non, d'accord, faut chercher.

      Supprimer
    3. Penses tu que je ne sache pas tout ça ?
      On a beau ne pas être d'accord sur la plupart des sujets qu'il peut évoquer chez lui, je n'en suis pas moins respectueux du bonhomme.
      Non, c'est autre chose qui m'a empêché de commenter chez lui. Ne me demande pas quoi, je n'arrive pas à mettre le terme exact sur ce truc. Je crois que je suis moi-même un curieux bonhomme...

      Supprimer
    4. J'imagine. Lis les commentaires à son billet. Du genre : je commente jamais chez vous mais soyez assurés de mon compatissage.

      Pas compliqué.

      Supprimer
    5. Vous auriez pu, hein ! Comme je suis un vieux nazi édenté, je ne peux plus mordre les mollets des gauchistes passant à portée de mes babines.

      Supprimer
    6. Ceci dit, sans vouloir vous offenser et pour continuer avec la métaphore canine, je suis persuadé que vous aboyez plus que vous ne mordez.

      Supprimer
    7. Je n'aboie même plus, à mon âge : je jappe. En attendant de me mettre à couiner…

      Supprimer
    8. En remuant encore la queue j'espère?

      Supprimer
  4. Jamais eu de chien, je sais qu'on s'y attache de trop.

    RépondreSupprimer
  5. "Cette espèce de bestiole passe une partie de sa vie à attendre devant la porte que quelqu’un l’ouvre pour pouvoir passer de l’autre côté pour attendre la personne suivante qui lui permettra de changer de côté à nouveau…"
    Tin! c'est le mien!
    Sauf que la "personne" c'est toujours moi...

    RépondreSupprimer
  6. C'est triste de perdre un de nos compagnons à quatre pattes ... ça laisse un grand vide.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ouais. Merci à toi ! C'est plus qu'un vide, je crois. Il faudrait que J'eb fasse un autre billet.

      Supprimer
  7. C'est un chouette billet, merci pour tous les gens qui ont des chiens, qui les aiment et ne les oublient pas, même très longtemps après leur mort.

    RépondreSupprimer
  8. Un chien ?
    C'est pas ce machin plein de pattes et de poils qui se met en quatre pour ses maîtres en n'attendant pas grand chose d'autre qu'une petite caresse en retour ?
    Le départ d'un tel véritable ami est toujours triste.

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Soyez patients !