Brève 1 : un jeune type, assez grand (une demi tête
de plus que moi), se met à côté de moi. Il enlève son sac à dos, comme s’il
avait porté la misère du monde pendant la journée. Je me regarde, intrigué. Il
m’adresse un grand sourire. Comme s’il était heureux de se trouver là, heureux de me voir. Le
serveur arrive. Le client demande : « une noisette
décaféinée, s’il-vous-plait ? » Le serveur répond qu’ils ne servent pas de
boissons chaudes après 19 heures sauf pour les gens qui ont déjeuné (c’est pour
éviter les gens qui squattent des tables en terrasse et pourraient décourager
les passants qui voudraient manger).
En entendant la commande, j’avais tiqué. Je n’ai rien
contre les noisettes décaféinées, mais un lascar qui n’aime pas le café à ce
point là pourrait prendre autre chose. Une bière, tiens !
Il a remis son sac à dos et a présenté ses plus plates
excuses, sincères. Un bistro refuse de le servir et c’est lui qui s’excuse. Vraiment
sincères, parlant très bas, comme s’il avait honte. Je n’ai pas noté mais aussi
bien, il a dit : « Excusez-moi de vous avoir dérangé. »
alors que n’importe qui l’aurait fait en montrant du cynisme. Pas lui. Sincère.
Brève 2 : un autre type arrive. « Vous
pouvez me mettre un paquet de Marlboro, s’il vous plait ».
La patronne : « Ah non, nous ne sommes pas un
tabac, nous ne vendons pas de cigarette. » Lui : « Mais
l’autre jour, le serveur m’en a vendues. »
Ce n’est pas bien méchant. Le serveur achète des
paquets à sept euros et le revend un peu plus cher. Il n’empêche que c’est
interdit. Si un bistro vend des clopes, il doit le faire en respectant des
règles et en déclarant tout. Ca lui assure une trentaine d’euros en plus par
mois, il n’y a pas de quoi en chier une pendule.
La patronne a essayé de me sonder pour savoir quel
serveur faisait ça en son absence et j’ai joué à l’imbécile (elle fait le
service le soir cette semaine à cause des congés scolaires) mais elle a bien vu
que ma dénégation était de pure forme.
Je connais un serveur qui va se prendre une soufflante
après les vacances…
Cette anecdote n’a aucun intérêt mais je me demande
comment il a pu penser qu’il ne serait jamais repéré…
J’en reviens à la première brève. Tous les soirs, des
lascars se voient refuser des boissons chaudes. « Ah,
non, on ne fait plus de boisson chaude après 19 heures. » Cinq sur dix répondent « ah
ben mettez moi une bière, alors ! » Ceci est véridique et ça
nous fait toujours rigoler. Quatre sur dix commandent autre chose, un jus de
fruit, un diabolo,… Et un sur dix part en gueulant : « c’est
quoi ce bordel, un bistro qui refuse de servir un café,… »
Ce soir, c’était la première fois que je voyais un
type présenter ses excuses pour avoir osé commander un café dans un bistro.
Merci pour ces brèves de comptoirs !
RépondreSupprimerJ'adore !!!! :o) ❤
BIZ à toi Nico
et bonne continuation !
Bonne journée, merci pour ton passage !
Supprimer"Ce soir, c’était la première fois que je voyais un type présenter ses excuses pour avoir osé commander un café dans un bistro."
RépondreSupprimerMoi, je lui aurais offert un sandwich, comme ça il aurait pu boire sa boisson. Et je ne suis pas classée dans les riches. Solidarité.
Quel rapport ? Le type voulait un café mais le bistro n'en vend plus après 24 heures. C'est tout.
SupprimerOuais !
RépondreSupprimerIl n’avait probablement que de quoi se payer un café. Tu aurais dû lui offrir une bière.
RépondreSupprimerMais si ! Où ai-je parlé d'un type sans pognon ?
Supprimer"pas de boissons chaudes après 19h"
RépondreSupprimerBon, ben un café froid alors.
Voila... Mais ça ne se fait pas...
SupprimerLe taulier ne veut pas que le clochard s'installe, avec son gros sac, son chien peut-être, ses odeurs... et compte sa monnaie sur la table en prévision du "faudrait voire à renouveler la consommation". Dehors il pleut, il fait froid. Avant d'aller étaler ses cartons ou son duvet quelque part, le clodo grapille les dernières minutes de chaleur, il faut le plein de sensations agréables, les mains nues sur la table, les doigts de pieds pas gelés, le cul sur la chaise ou la banquette, la tête sans les bonnets sous la capuche. Et quand vient le moment où la fermeture s'annonce à grands coups de raclements de chaises sur le carrelage, ce gros fainéant de clodo s'est endormi ou fait semblant, il faudra le secouer pour qu'il s'en aille. Et là où il était assis, effondré plutôt, ça pue. S'il ne revenait pas, ce serait aussi bien parce que tout autour, il y a comme un périmètre de sécurité, les clients ne se mettent pas tout contre. On ne dira pas tout haut qu'il est interdit d’exhiber des signes ostensibles de misère, mais que voulez-vous, c'est tout comme, ça dérange.
RépondreSupprimerC'est bien joli comme commentaire mais ce n'est pas un clodo. C'est un type avec un sac à dos. Vous avez de ces a priori, tous...
Supprimer"Le taulier ne veut pas que" des populations qui ne boivent que du café (pas d'alcool, donc, suivez mon regard) s'installe à des places où des gens pourraient diner parce que ça fait fuir le monde. C'est effectivement du racisme, à la base, le racisme des clients, ceux qui mangent volontiers au restaurant parce qu'ils se foutent de savoir si la viande est hallal, par opposition à des gens qui ont des conversations bruyantes et s'étalent...