Vendredi soir, le patron a sonné la cloche vers minuit
vingt. C’était donc samedi matin. C’est un signal : si vous voulez boire
un autre verre, il faut le commander maintenant. Normalement, il sonne vers
trente-cinq. Il a essentiellement des habitués et ça fonctionne bien. Tout le
monde est discipliné…
Il avait donc un quart d’heure d’avance sans raison valable
sauf l’ébriété d’une partie des clients, un peu plus mesurée que d’habitude…
Il sonne, je commande et je file aux toilettes. En sortant,
un type m’agresse : tu as passé une heure aux toilettes. Je nie. Il
insiste et menace de me dénoncer au patron. Il parlait assez mal le français et
était particulièrement agressif. Il cherchait la castagne. Je vous jure que je
ne passe jamais une heure aux toilettes : il n’y a pas de bière pression.
A moitié retourné par cette altercation, je vais prendre l’air
et je commence à discuter avec deux gugusses qui trainaient là. Mon gugusse
sort en gueulant vers l’intérieur du bar. Les types avec qui je discutais me
disent : c’est un Rom, il est con. Je dis qu’il ne ressemble pas à un Rom
mais ils insistent (à vue de nez, c’était un Italien ce qui est encore plus
rare que les Roms à Loudéac). Peu importe. Le racisme antirom est arrivé jusqu’à
Loudéac. Ca leur apprendra à voler des poules.
Je rentre dans le bistro quand le patron disait globalement
qu’on pouvait rester jusqu’à la fermeture. Je lui dis : laisse tomber, tu
veux fermer, on va se casser et je vais vers mon verre, au comptoir, pour le
finir (oui, je veux bien partir avant la fermeture, mais à condition que mon
verre soit vide). Le patron se met à crier : « quand je dis que vous pouvez rester, ce n’était pas toi,
Nicolas Jégou, qui va me dire non » (il faut dire que je pars
rarement avant l’heure…). Il était très en colère, je l’ai compris au fait qu’il
m’appelle par mon nom complet. Je ne comprenais rien. Voyant mon désarrois, il
vient vers moi et me dit : « surtout toi,
tu restes là. »
Une lueur d’espoir m’a traversé l’esprit : aurait-il
décidé de m’offrir un verre après le départ des autres clients, ce qui n’arrive
jamais (il n’a pas le droit et quand on bosse depuis 9 heures le matin, on n’a
pas envie de boire un coup avec un crétin après la fermeture alors qu’il reste
une bonne heure de ménage) ?
Finalement, il m’explique : le type (le Rom, suivait un
peu) avait dit au patron qu’il m’attendrait pour me casser la gueule parce que
j’avais passé une heure aux chiottes.
Entre temps, un des clients (un jeune gars que j’aime bien)
se met à tempêter : son portefeuille qu’il avait posé sur le comptoir
avait disparu. Il ne lui restait plus que sa carte bancaire. Il voulait
évidemment courir après nos Roms mais on l’a retenu. Finalement, quelqu’un lui
a dit que le Rom allait prendre les billets dans le machin et le jeter sur le
parking. Le petit gars est sorti et est revenu moins de trente seconde après en
souriant : il avait récupéré ses papier.
Du coup, à la fermeture, pour me protéger, la serveuse m’a
ramené en voiture à la maison ce qui m’arrangeait bien, avec la tempête.
Franchement, la tolérance a ses limites, non ?
RépondreSupprimerSolanden
Ses maisons m'intéressent plus que ses limites.
SupprimerQu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour se taper la serveuse, quel boulot!
RépondreSupprimerMême pas ! Je vais faire court : la serveuse est la fille d'un copain qui tenait un bistro à Loudéac et qui est mort en 1994 (le frère de mon copain Serge, dont je parle parfois). Je ne l'avais pas vue depuis et elle a commencé à travailler dans ce bistro il y a trois ou quatre mois. Nous n'avons jamais discuté ensemble de choses sérieuses, mais quelqu'un lui a dit, je pense, ce qui reliait son père et moi (alors qu'il se séparait de sa femme, la mère de la serveuse, il a commencé à travailler à Paris et nous faisions le voyage ensemble, j'étais devenu ainsi un de ses meilleurs potes, le plus intime avec un autre copain). Cela étant, on s'en fout ! Je te raconte ça parce que j'ai souvent essayé d'en faire un billet sur le thème : cette môme que j'avais oubliée et qui bosse dans le bistro où je vais est immédiatement devenue ma "protégée" et, sans savoir ce qui s'est passé il y a plus de vingt ans, elle a envers moi un respect qu'elle n'a pas avec les autres clients.
SupprimerC'est étrange.
C'est une belle histoire ... j'ai cru que tu t'étais enfui en te cachant derrière une faible femme ! (lol, hein)
SupprimerMais non.
SupprimerC'est une belle histoire en tout cas et une fille bien.
RépondreSupprimerYes !
SupprimerUn Rom qui fout les j'tons à tout un bar (patron inclus ?)
RépondreSupprimerIls étaient deux dont un plus calme. Qui te parle de jetons ? Le bar est fréquenté par l'équipe de handball de la commune (Nationale 2 ou 3) qui font tous 1m90 !
SupprimerLe problème des clients bourrés (Rom ou pas) est qu'ils vont à la castagne rapidement. Vaut mieux fermer avec un quart d'heure d'avance.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerAh ok ! Comme ce n'est pas signifié dans ton billet je me posais juste la question ! ;-)
SupprimerBah ! Il était tellement saoul que j'aurais pu l'assommer d'une baffe.
SupprimerBelle histoire !
RépondreSupprimerMerci Nico
et gros bisous
Merci.
SupprimerUne des raisons qui ont fait que les Suisses ont voté l'initiative.
RépondreSupprimerA Genève, on s'est fait casser deux fois la voiture : ont piqué des CD et des gants, ainsi que de la monnaie. Le quartier était rempli de gens des pays de l'Est (on a du mal à les reconnaitre). C'est contre eux qu'ils ont la mort.
Il y a deux ans, dans une piscine municipale, impossible de prendre une douche, il a fallu que mon mec hausse le ton: au fin fond de la Suisse profonde, des Roms avaient décidé que les douches de la piscine étaient à eux, si mon mec n'avait pas tapé du poing sur la table, jamais les gosses n'auraient réussi à prendre une douche avant de partir.
Ensuite, ce sont des minorités dans la majorité, quand même.
Oui, pas facile ! L'antiracisme est assez bête : on n'a pas le droit de raconter les nuisances... Elles sont pourtant réelles.
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