Les bistros sont toujours une source de réjouissances pour
moi mais vendredi soir, le 1880 dépassa largement la mission qui lui était
confiée.
Tout a commencé par l’arrivée d’une gonzesse avec une
casquette, vers 22 heures. Le patron lui demande de l’enlever. Elle refuse. « C’est ainsi que je m’affirme. » qu’elle
répond. Il lui rétorque, en gros : « C’est
justement pour ça que je veux que tu l’enlèves. » « Vous n’avez pas le droit de m’interdire de mettre une
casquette ». « Je fais ce que je
veux, je suis dans mon bistro, si je ne veux pas de gens avec des casquettes,
soit les gens avec des casquettes ne viennent pas soit les gens qui viennent
avec des casquettes enlèvent leur casquette quand ils rentrent dans mon bistro. »
« Je vous dit que j’ai le droit de garder ma
casquette puisque ce n’est pas indiqué à l’entrée que les casquettes sont
interdites. »
Christophe pensant bien que la tempête allait se calmer
vaque à ses occupations. La gonzesse d’un âge relativement indéterminé (on va
dire la trentaine) commence à s’énerver toute seule et à gueuler : « vous allez me servir. » Les clients à côté d’elle
commençaient à en avoir… ras la casquette. Comme ils n’avaient pas bu avec
modération qui n’avait pas pu venir ce soir là, ils ont commencé à l’engueuler,
c’était très drôle. Christophe est donc intervenu à nouveau. « Je ne vous servirais pas tant que vous n’aurez pas enlevé
votre casquette. » « Elle fait
partie de moi, c’est mon style, c’est ainsi que je l’affirme. » « Vous l’avez déjà dit. » « Si c’est comme ça, j’appelle la gendarmerie. »
J’étais plié de rire vu que, un peu avant, j’avais raconté à
Christophe l’anecdote objet de
mon précédent
billet (une gonzesse, à la Comète, qui exigeait d’être servie à 23h30 parce
que j’avais encore une bière devant moi au comptoir). Elle avait dit, aussi, qu’elle
allait appeler la police. A Paris, c’est la police qu’on appelle quand un
patron de bistro refuse de servir. A Loudéac, c’est la gendarmerie. J’espère
que vous avez saisi la subtile différence.
Toujours est-il que Christophe a réussi à la foutre dehors.
C’est alors que Jonathan Sifléletrain, un jeune client sans
trop de poil dans les oreilles vient vers moi « Alors,
hips, Jégoun, t’es content, t’as encore une connerie à raconter dans ton blog. »
« Oui, on verra, il n’y a pas grand-chose à
dire. » Du coup, comme il m’a cherché, je parle de lui. Le
lendemain soir, il est arrivé au bistro vers 17h30. Il avait une de ses
tronches, je me demande s’il n’avait pas pris une cuite la veille.
Un peu avant, avant la fermeture, vers 0h30, il y avait deux
couples, à côté de moi. Des quadragénaires mais moins que moi, si je puis me
permettre, dans la mesure où je suis bientôt quinquagénaire. Le genre d’abrutis
qui sortent une fois par an pour prendre une cuite. Les mecs étaient
probablement des anciens fêtards vu qu’il supportait très bien l’alcool et
semblaient désespérées par leurs pouffes…
A un moment, une s’adresse à moi : « Hé ! Tu peux me prêter tes lunettes. » J’ai
refusé. « Mais si, prête moi tes lunettes. »
« Non » « Mais pourquoi tu ne veux pas me prêter tes lunettes ? »
Cette histoire de lunettes me fait penser à une autre
anecdote que je vais raconter de ce pas. Vous aurez la suite de la dernière
dans un prochain paragraphe. Figurez-vous que le patron a changé la lunette et
les couvercles des chiottes. J’arrive pour éliminer quelques bières et je
constate sans la moindre joie : tiens ! Le couvercle a été changé !
C’est bien, il profite de ses vacances pour entretenir le bistro.
J’ouvre donc ma braguette, relève le couvercle et la lunette
et commence à uriner. Vous me diriez que j’aurais pu pisser assis mais dans un
bistro, ce n’est pas très prudent. Toujours est-il que le couvercle et la
lunette retombent. Je décris la scène au ralenti mais le tout se passe en
quelques secondes. Je constate ainsi que je pissais sur le couvercle. Ma main
droite tenant l’iPhone (ben oui, je profite de mes pauses pour consulter mes
mails) et la gauche ma bite, je choisis de libérer la gauche, ma bite ne
risquant pas de tomber par terre et je me penche pour relever le couvercle. Tout
en faisant cela, j’ai levé la main droite derrière moi pour éviter que l’iPhone
ne subisse des dommages collatéraux. Imaginez la scène. Evitez, par contre, de
mêler ma bite à votre imagination. Mon corps a donc fait naturellement une
rotation : ma main gauche, en bas, vers la cuvette devant moi, et ma main
droite, en haut, derrière moi, avec mon iPhone. Ma bite (arrêtez d’y penser) a
donc accompagné le mouvement de rotation et c’est ainsi que j’ai continué à
pisser, mais sur le mur de cet honorable établissement.
Le tout en quelques secondes. J’ai relevé le bazar et j’ai
continué à faire. Je suis sorti. L’iPhone n’avait pas une goutte. J’ai donc pu
le ranger dans ma poche pour me laver les mains. J’ai regagné les toilettes
pour mesurer les dégâts : oui, il fallait que je prévienne le patron, il
convient de passer un coup de serpillière.
J’ai ensuite regardé mon pantalon et mes chaussures !
Pas une goutte ! Seule ma main gauche avait été éclaboussée, ce qui, vous
en conviendrez, relève du miracle.
J’ai prévenu le patron. Il n’est pas parti avec une
serpillière mais avec du ruban adhésif. Dorénavant, le couvercle est solidement
accroché. Vous aurez noté le changement dans ce bistro en quelques heures :
le couvercle des chiottes est scotché et il y a une affiche pour dire que les
casquettes sont interdites.
Au fait ! J’ai discuté avec le patron de cette histoire
de casquette. En gros, c’est un marqueur. Le type qui entre avec une casquette
en pleine nuit est logiquement un type louche, du genre de ceux qui mettent des
casquettes la nuit. Quand on lui demande d’enlever sa casquette, un type normal
le fait. S’il refuse, c’est que c’est une crevure qu’il ne faut pas servir.
J’en étais à la gonzesse qui voulait que je lui prête ses
lunettes. « Ah mais je veux essayer tes
lunettes. » « Non. » Je
ne suis pas un grand défenseur de la propriété privée mais mes paires de
secours étant à 430 kilomètres, je ne tenais pas à prendre le risque de devoir
ne rien voir pendant deux jours. Vous ne vous rendez pas compte, mais ça fait
37 ans que je porte des lunettes. Elles font partie de moi, un peu comme si j’avais
une casquette, et servent de protection. C’est le truc du myope :
tellement habitué à avoir quelque chose entre ses yeux et le monde qu’il a l’impression
de courir des risques quand ils ne les a plus.
« Mais tu vas me prêter tes
lunettes ! » « Mais tu
vas arrêter de me faire chier, connasse ! » ai-je crié au
point qu’une partie du bistro s’est retournée vers moi. Les hommes et l’autre
fille ayant passablement honte ont payé leurs verres et se sont barrés.
Au moins, ils ne m’ont pas cassé la gueule.
Le samedi soir, un jeune, pas Jonathan, un autre, on est copains sur Facebook, aussi, mais j'ai oublié son prénom, m’a
demandé : alors, tu as fait ton billet de blog ?
Désolé, je suis en retard. Mais je vais le publier dans la page Facebook du 1880. Pour illustrer ce billet, j'ai cherché la photo de Jonathan dans Google Image, avec son vrai nom. Lui, c'est la gonzesse avec le gros nez rouge et les yeux jaunes. Quand on cherche son nom, on tombe sur un tas de bombasses.