Le vieux Joel et moi nous sommes fâchés en janvier l'an dernier et il est mort d'un cancer en avril alors que j'ignorais à quel point il était malade.
On s'est fâchés un soir de concert, justement. Le patron avait fait circuler une corbeille pour récupérer des sous pour le chanteur. J'avais refusé de donner. Il a insisté. J'ai donné un centime. Joël, qui avait été intermittent du spectacle, n'avait pas aimé.
On se rappelle des conneries quand on se fâche avec des copains. Je me rappelle des additions réciproque. Le vieux Joel avait bu pour quatorze euros. Moi pour soixante quatorze et j'avais fait venir des potes, notamment le vieux Jacques. Mes souvenirs sont confus. Toujours est-il que je n'avais pas jugé utile de donner des sous pour le chanteur. Mais j'avais fait la connerie de donner vingt centimes à la quête ce qui m'avait fait me prendre pour un gros con alors que ce n'était qu'une vanne idiote.
Il ne m'a jamais laissé l'occasion de lui expliquer. Dès le lendemain, il refusait de me parler. Un peu plus d'un an après, je suis toujours triste, d'autant qu'il n'avait "donc" plus de copain intime pour parler de sa maladie.
On a passé quelques mois au comptoir (deux ?) sans se parler après dix ans de complicité, d'amitié.
Je suis toujours triste, un an après. Et les souvenirs me reviennent. Ce soir.
Mehdi, l'ancien serveur, est passé ce soir. Par hasard. Il m'a reconnu. On a discuté. Je lui ai rappelé qu'il connaissait deux clients au comptoir (Odette et Tonnégrande)d. Alors je lui ai tout dit. Y compris ses anciens clients. Dont les morts.
Et je suis triste. Un loupé.