Ce matin, j’arrive à la Comète pour prendre un café et je ne
reconnais pas la serveuse. « Tiens, une nouvelle » me dis-je. Par contre,
elle, elle m’a reconnu : « un grand « noisette » avec deux
croissants, comme d’habitude ? » qu’elle me demande. Je me dis que j’avais
un trou de mémoire et c’est le patron qui m’a rassuré, ce matin : « Ouf !
Notre première journée sans masque ! ». Je n’avais jamais vu la
tronche de la serveuse…
La crise sanitaire est donc bien finie ? Deux ans
(moins de deux semaines, si on veut négocier) après son début…
Dans les bistros, on sera passés par un tas de phase !
Déjà, on n’oubliera pas « la soirée de lancement ». C’était le samedi
deux jours après le discours de Macron qui disait, en substance : « ça
va chier ! » Déjà, pour ma part, je l’avais appris part le serveur du
bistro quelques minutes avant l’annonce officielle par le premier ministre de l’époque,
Doudou. Les bistros allaient fermer ce soir, à minuit ! Ca fut peut-être
la première connerie gouvernementale visible de la période : les troquets
allaient se retrouver avec un stock qui allait être perdu. J’y ai gagné du
boudin noir mais je l’ai oublié dans mon sac à doc…
Après, on a eu la fin du confinement. Les bistros étaient
toujours fermés mais on allait acheté des bières chez l’Arabe du coin et on les
buvait devant, avec les copains. Avec Patrice, en particulier, on a commencé à
se faire une réputation et nous ne fûmes bientôt plus les seuls.
J’ai oublié des étapes et c’est aussi bien mais je crois me
rappeler que les bistros ont commencé à rouvrir avec l’autorisation uniquement
de consommer en terrasse, avec une « jauge » pour ne pas dépasser un
quota de client. C’était le début du ridicule (dans deux des plus gros
établissements que je fréquente, il y a toujours plus de client en terrasse qu’au
comptoir !). Ensuite, on a eu le droit de consommer au comptoir mais il n’y
avait pas le droit de rester debout sans avoir un verre à boire et, je ne sais
plus trop, les tabourets sont devenus obligatoires mais l’interprétation des règlements
était un peu au bon vouloir des patrons.
Tout a fini par rentrer à peu près dans l’ordre sauf que les
masques sont restés obligatoires pendant les déplacements et, surtout, il y a
eu ce fameux passe-sanitaire puis vaccinal. Je vous passe en partie les volets
politiques : ce truc est inique, obligeant pour la première fois dans l’histoire
de notre démocratie des propriétaires de lieux publics à faire des contrôles
sur les clients, contrôles autres que ceux nécessaires à la prévention de la
jeunesse (interdiction de boire de l’alcool, de jouer de l’argent). Toujours
est-il qu’un certain nombre de citoyens ont refusé ce passe et donc la possibilité
de fréquenter certains lieux publics dont les débits de boisson. Pour ma part,
j’aurais été du genre à faire les vaccins à cause de ma santé et du fait que je
sois « population à risque » mais à refuser le passe-vaccinal !
Après tout, on avait tenu avec les troquets carrément fermés, alors… Surtout que je connaissais, dans mes « deux
villes » des établissements qui n’allaient pas contrôler ce machin (entre
nous, il suffisait d’avoir une sortie sur l’arrière pour éviter les risques
sauf qu’on n’ose jamais faire les guignols devant les casques bleus de la
gendarmerie nationale). A la Comète, par exemple (mais trop gros bistro pour
oser faire le con), la salle du fond a une sortie vers les parties communes de
l’immeuble et n’est pas visible de l’entrée. Il suffisait d’y masser les
crétins et, en cas, d’alerte, trouver un système pour les alerter : « cassez-vous par
là. » Mais j’ai fini par prendre un passe. Outre que je n’ai pas le
tempérament rebelle, je passe une partie de ma vie dans le train ou à l’hôpital…
Je m’égare un peu mais ce passe a été marquant avec les
employés contrôlant les types qui rentraient tout en tentant de ne pas énerver
les clients habitués. On a vu des phrases idiotes sortir : « je vais
vous scanner votre passe, s’il vous plait » (le fait de scanner n’est qu’annexe,
il s’agit de le contrôler) ou « je vais fous faire un petit passe, s’il vous
plait ». Il y a des trucs qu’on n’apprend pas à l’école d’hôtellerie.
Plus récemment, les conditions ont encore évolué dans les
bistros et il est devenu « officiel » qu’on ne pouvait plus consommer
qu’assis au comptoir mais que le reste était libre (à part les règles sur le
passe et les masques). C’était très dur pour certains établissements comme l’Amandine
qui n’avait pas la place pour mettre des tabourets. Du coup, on a vu fleurir les
changements d’aménagements avec des petites tables posées le long du comptoir (quand
il y avait de l’espace), par exemple. A l’Amandine, on se tassait avec des
inconnus sur les quelques chaises à proximité du bar.
Encore plus récemment, le passe sanitaire est devenu le
passe vaccinal. Cela n’a rien changé pour les bistros sauf que les non vaccinés
ne pouvaient plus faire des PCR pour boire un demi. Le changement a été, pour
moi, plutôt psychologique (mais je ne suis pas dans mon blog politique :
le vaccin n’empêche ni la maladie ni la contagion, l’obligation du passe ne
correspondait plus à des règles d’hygiène liées à la présence dans le bistro
mais, semble-t-il, à la garantie de maintenir un taux de vaccinés important, le
temps que la vague en cours ne bifurque ou un truc comme ça). Cela s’est
accompagné, ou presque, d’un changement de durée du « deux doses »
qui a été assez perturbant (mais toujours hors bistro).
Peu après, les contraintes sur les comptoirs ont été levés :
on a pu reprendre une partie de la vie d’avant dans les bistros sans tabouret !
Un vrai soulagement, pour certains…
Et il y a ce matin, avec la fin du masque. Mais le maintien
du passe ce qui rend le tout toujours ridicule (cela étant, avoir le droit de
consommer sans masque mais être obligés de mettre le masque pour circuler dans
l’établissement était cocasse).
La mémoire me joue des tours. Je crois réellement que j’ai
oublié des étapes importantes (je me demande, par exemple, s’il n’y a pas eu
une deuxième phase de fermeture des bistros).
Au moins, bientôt, tout cela sera derrière nous jusqu’à la
prochaine alerte. Mais pas totalement. Le fossé entre les « pour » et
les « contre » se s’est tellement creusé qu’on n’arrivera pas à calmer
totalement le jeu. En particulier, je ne me vois pas organiser de nouvelles
rencontres de blogueurs politiques…
Et il y a tous les ahuris qui traitent les « bistros »
de collabos et qui jurent de ne jamais aller dans ceux qui ont rendu les
contrôles obligatoires… vu qu’ils étaient obligatoires. Vous savez, toutes ces
andouilles qui traitent ceux qui respectent la loi de « collabos » vu
qu’au tant de la guerre la loi était
faite par les nazis avec du poil dans les oreilles.
La crise sanitaire aura bien réussi à éloigner les cons des
comptoirs…