« Sophie Whitehouse, épouse
du député conservateur britannique James Whitehouse, apprend que son mari l'a
trompée avec une assistante. La nouvelle est rendue publique, la forçant à
faire face aux conséquences des actions de son mari. Pour ne pas arranger les
choses, James est accusé de viol et doit être jugé. » Telle est la description par
Wikipedia d’Anatomie d’un scandale. Pourtant c’est bien le viol – ou, pour
être précis, l’accusation – qui est au cœur de l’histoire, dans un milieu de l’élite
britannique, Westminster, les gentlemans, Oxford, les déjeuners dans des salons
somptueux tout en bois chaleureux. Du rosbif, quoi ! Du rosbif, mais loin
des cercles royaux que l’on commence à bien connaître dans Netflix, loin aussi
des milieux plus populaires ou mafieux que l’on voit parfois, dans des séries
comme Peaky Blinders, loin des cercles d’affaire londoniens, de Scotland Yard,
comme dans « Criminal : Royaume-Uni » dont je parlais récemment
ou de « Marcella » que je savoure actuellement.
De l’aristocratie, du gouvernement… On imagine presque,
parfois, nos héros tourner autour d’un Phileas Fogg, revenu d’une époque
lointaine. J’abuse un peu : c’est pour planter le décor, pas par méchanceté.
Je continue : à l’entrée de chaque demeure, on se croit à celle du « 10
Downing Street », telle qu’on peut voir dans quelques reportages à la télé.
Des personnages pourraient participer à la première et ultime sortie de
Titanic, dans les ponts réservés à l’élite.
Une partie de l’histoire, on le découvrira rapidement, a pour
origine les clubs d’étudiants élitistes d’Oxford, où l’omerta est la règle pour
cacher les lourdes turpitudes d’étudiants nantis.
Notre héros, James Whitehouse, devenu ministre, tout comme
Tom Southern, le premier d’entre eux, resté son meilleur ami, mais aussi Sophie
Whitehouse et d’autres personnages en viennent, d’Oxford. Pourtant, James et
Sophie vivent maintenant comme des gens normaux, du moins comme peuvent vivre un
couple de nantis dont un est ministre. Madame aurait pu avoir une belle carrière
mais a tout sacrifié pour la carrière de son mari, tout en bénéficiant de l’opulence
liée à l’ascendance de ce dernier et à sa situation professionnelle lui
permettant de naviguer entre de belles expositions et des soirées mondaines, seule
ou dans son rôle de « femme de ». Une jeune fille au pair l’aide pour
élever les deux enfants – une famille idéale : papa, maman, une fille aînée
suivie d’un fils – mais elle s’en occupe toujours, allant les chercher à l’école
et toutes ces putains d’obligations qui font que j’ai préféré le célibat (en
plus de la liberté de pouvoir aller au bistro sans avoir la soupe à la grimace
en rentrant au foyer surnommé l’hôtel du cul tourné mais je m’égare).
L’ambiance est posée et le scandale arrive. James arrive à
la maison et est obligé d’avouer à sa femme qu’il y a eu une liaison avec
Olivia Lytton, une membre (menbresse ?) de son cabinet, pendant quelques
mois. Puis ils apprennent qu’elle a porté plainte pour viol. Et nous voila dans
l’histoire. Kate Woodcroftt est le « conseiller de la Reine » (l’équivalent
de nos « procureurs de la République » ?) en charge de l’affaire
« James Whitehouse ». C’est sans doute le deuxième personnage le plus
important de notre série après Sophie Whitehouse autour de laquelle l’intrigue
est organisée.
Pour finir de planter le décors dont ce milieu élitiste,
nous avons aussi, presque par définition, le milieu judiciaire britannique,
bien différent de ce que nous connaissons, essentiellement par des fictions
soit françaises soit américaines. Cette série est passionnante, entre la
progression de l’enquête, l’histoire des protagonistes et de leurs relations,
le milieu politique et les affaires proches du pouvoir mais aussi la vie de
famille, les relations amoureuses.
Mais nous allons la décrire autrement après avoir laissé nos
doigts taper n’importe quoi sur un clavier usé par des années de labeur, des
déjeuners passés au-dessus avec des miettes tombées entre les touches et des
cigarettes ayant fait fondre le plastique (heureusement que je ne renverse
jamais de café ou de bière, remarque !).
Nous avons tout simplement un puissant, protégé par de plus
puissants (dont le conseiller en communication du premier ministre, Chris
Clarkle, personnage exaspérant mais voila que je m’égare encore) qui est accusé
de viol par une subalterne. Comme ils ont eu une liaison « normale »
(certes, extraconjugale) passionnée, on voit mal ce qui pourrait motiver cette
accusation à part une espèce de jalousie après la rupture.
Mais nous avons bien un puissant auquel nous donnerions le
bon dieu sans confession (give the good god without confession), comme à un
président du FMI favori à l’élection présidentielle en France, ou au plus
célèbre des présentateurs du journal télé de la plus grande chaine nationale…
qui est accusé de viol.
C’est du #meeto typique mais l’intelligence de cette série est
de ne jamais tomber dans la moralisation ou la démagogie, soit par la dénonciation
de ces abus sexuels (qualifiés de troussage de bonne dans un autre monde) ni
même celle de l’élite face à des opprimés, de gens bien nés opposé à des pue-la-sueur
obligés de travailler pour sortir la tête de l’eau, ni celle de l’omerta qui
peut régner dans certains milieux où, pure hypothèse, on laisserait une espèce
de pédophile présider la cérémonie des César ou le festival de Cannes.
C’est peut-être du militantisme féministe, on n’en sait
rien, mais on ne tombe jamais à ce niveau. Au fil de l’histoire, on en sait de
plus en plus sur l’accusé mais sans jamais perdre confiance, tant son épouse –
le personnage principal – continue à la soutenir malgré des moments de doute.
Mais si j’insiste sur cette absence de moralisation, de dénonciation…
C’est justement parce que c’est fabuleux alors que c’est ce que dénoncent
certains féministes après avoir vu la série alors que c’est une pure marque d’intelligence.
Voir par exemple, cette
critique de ces bobos « d’Ecranlarge » (heureusement pas
majoritaire, comme thème). Après une introduction élogieuse, le rédacteur
sombre. « Problème : c'est à peu près tout ce
qu'on retiendra de son nouveau cru [celui de David E. Kelley, le
réalisateur], puisque passé son merveilleux tempo,
Anatomie d'un scandale ne s'élève jamais. » « Il y avait pourtant des pistes scénaristiques (et sociales)
passionnantes dans la série Netflix. D'abord, le thriller judiciaire autour du
scandale sexuel et de l'accusation de viol, offrant de multiples questions
énormément traitées sur les écrans post-#MeToo sur le consentement, la
culpabilité, la perception et la quête difficile (voire impossible) d'une
vérité ou justice pour ce genre d'affaires. Puis, le thriller politique et la
descente aux enfers d'un homme de pouvoir, dont le récit se fera un plaisir de
le confronter à ses privilèges et finalement à ceux de toute une élite de
quasi-intouchables (oui, le Premier ministre n'est pas tout net dans cette
fiction). » « Malheureusement,
aucun des deux n'a le droit à un traitement digne de ce nom. Au contraire, la
série est d'une superficialité désespérante, ne s'attardant jamais réellement
sur ses thématiques puisqu'elle préfère se concentrer sur l'efficacité de sa
narration. Et c'est dommage, car avec ses sujets, Anatomie d'un scandale aurait
pu être une grande réflexion sur le consentement sauf que la victime, Olivia
Lytton, disparait très vite du récit (sans qu'on ne comprenne vraiment comment
ni pourquoi).
La série aurait aussi pu faire
le portrait mordant des élites se croyant tout permis sauf qu'elle survole trop
le sujet, relégué à quelques coups de fil entre deux couloirs. Enfin, elle
aurait pu critiquer violemment les fraternités de grandes universités/écoles
(dont les membres masculins et leurs agissements inappropriés sont trop souvent
excusés sans raison valable autre que leur argent et futur pouvoir), sauf que
cela ressemble plus à un exposé qu'une véritable dénonciation. » « Bref, non seulement Anatomie d'un scandale aurait pu être
un divertissement hyper-rythmé, jouant admirablement avec les codes sériels,
tout en menant à bien sa grande analyse des affres d'une sphère politique
faisandée et d'une société malade, où les apparences comptent souvent plus que
la vérité. Mais finalement, la grande série n'est qu'une petite distraction
pleine de suspense, reposant uniquement sur son histoire et restant à la
surface des riches propos qu'elle dissimule. » « Ainsi, si la série est régulièrement tendue, elle
s'appuie sur des lignes de dialogues très fades (même lors des plaidoiries ou
témoignages au tribunal) n'explorant jamais le regard de ses personnages
(puisqu'elle jongle des uns aux autres sans fil conducteur). Pire, avec sa
sur-utilisation agaçante des flashbacks, baignant eux-mêmes au coeur d'une
surabondance de plans flous idiots (quelle horrible idée de mise en scène
signée S.J. Clarkson), et de plans débullés (ou ralentis) trop nombreux pour
avoir un quelconque écho sur la psyché des personnages, Anatomie d'un scandale
finit par plonger tête la première dans le soap (avec un twist saugrenu dans
l'épisode 4). Décevant. »
Je ne sais pas ce qu’a fumé le rédacteur de ces quelques lignes
mais il mérite qu’on se foute de sa gueule et qu’on le méprise outrageusement.
Vous penserez ce que vous voudrez de cette série (surtout si
vous la regardez, hein !) mais elle n’est pas du tout politique ou
militante. C’est ce qui en fait la force. Et l’absence de message évident n’évite
pas au joyeux spectateur pantois d’en tirer des conclusions.
Que je ne dévoilerai pas mais ça serait intéressant d’en
parler entre lascars qui connaissent la fin.
Belle histoire et gonzesses choucardes.
A part ça, c'est peut-être une des séries qui m'a marqué le plus - même si je l'aurai sûrement oubliée dans trois mois - peut-être parce qu'elle touche à un thème que je ne sais jamais aborder dans le blog politique, tant je suis proche de copines militantes féministes et grand défenseur de la présomption d'innocence, voire de la relativisation de certaines pratiques. Dans l'histoire du Sofitel de New York, par exemple, j'étais un des derniers défenseurs de DSK sur le thème "ben quoi, une domestique se fait mousser après avoir taillé une pipe à un puissant". Et, pas plus tard que cette semaine, j'ai fait un billet de blog expliquant pourquoi les militants Nupes devraient réintégrer Adrien Quatennens. Dans les deux cas, je n'ai évidemment pas pardonné les actes mais je crois bien que la question n'est pas toujours là.