Pages

16 avril 2023

[Série] Anatomie d'un scandale



« Sophie Whitehouse, épouse du député conservateur britannique James Whitehouse, apprend que son mari l'a trompée avec une assistante. La nouvelle est rendue publique, la forçant à faire face aux conséquences des actions de son mari. Pour ne pas arranger les choses, James est accusé de viol et doit être jugé. » Telle est la description par Wikipedia d’Anatomie d’un scandale. Pourtant c’est bien le viol – ou, pour être précis, l’accusation – qui est au cœur de l’histoire, dans un milieu de l’élite britannique, Westminster, les gentlemans, Oxford, les déjeuners dans des salons somptueux tout en bois chaleureux. Du rosbif, quoi ! Du rosbif, mais loin des cercles royaux que l’on commence à bien connaître dans Netflix, loin aussi des milieux plus populaires ou mafieux que l’on voit parfois, dans des séries comme Peaky Blinders, loin des cercles d’affaire londoniens, de Scotland Yard, comme dans « Criminal : Royaume-Uni » dont je parlais récemment ou de « Marcella » que je savoure actuellement.

De l’aristocratie, du gouvernement… On imagine presque, parfois, nos héros tourner autour d’un Phileas Fogg, revenu d’une époque lointaine. J’abuse un peu : c’est pour planter le décor, pas par méchanceté. Je continue : à l’entrée de chaque demeure, on se croit à celle du « 10 Downing Street », telle qu’on peut voir dans quelques reportages à la télé. Des personnages pourraient participer à la première et ultime sortie de Titanic, dans les ponts réservés à l’élite.

Une partie de l’histoire, on le découvrira rapidement, a pour origine les clubs d’étudiants élitistes d’Oxford, où l’omerta est la règle pour cacher les lourdes turpitudes d’étudiants nantis.

 

Notre héros, James Whitehouse, devenu ministre, tout comme Tom Southern, le premier d’entre eux, resté son meilleur ami, mais aussi Sophie Whitehouse et d’autres personnages en viennent, d’Oxford. Pourtant, James et Sophie vivent maintenant comme des gens normaux, du moins comme peuvent vivre un couple de nantis dont un est ministre. Madame aurait pu avoir une belle carrière mais a tout sacrifié pour la carrière de son mari, tout en bénéficiant de l’opulence liée à l’ascendance de ce dernier et à sa situation professionnelle lui permettant de naviguer entre de belles expositions et des soirées mondaines, seule ou dans son rôle de « femme de ». Une jeune fille au pair l’aide pour élever les deux enfants – une famille idéale : papa, maman, une fille aînée suivie d’un fils – mais elle s’en occupe toujours, allant les chercher à l’école et toutes ces putains d’obligations qui font que j’ai préféré le célibat (en plus de la liberté de pouvoir aller au bistro sans avoir la soupe à la grimace en rentrant au foyer surnommé l’hôtel du cul tourné mais je m’égare).

L’ambiance est posée et le scandale arrive. James arrive à la maison et est obligé d’avouer à sa femme qu’il y a eu une liaison avec Olivia Lytton, une membre (menbresse ?) de son cabinet, pendant quelques mois. Puis ils apprennent qu’elle a porté plainte pour viol. Et nous voila dans l’histoire. Kate Woodcroftt est le « conseiller de la Reine » (l’équivalent de nos « procureurs de la République » ?) en charge de l’affaire « James Whitehouse ». C’est sans doute le deuxième personnage le plus important de notre série après Sophie Whitehouse autour de laquelle l’intrigue est organisée.

Pour finir de planter le décors dont ce milieu élitiste, nous avons aussi, presque par définition, le milieu judiciaire britannique, bien différent de ce que nous connaissons, essentiellement par des fictions soit françaises soit américaines. Cette série est passionnante, entre la progression de l’enquête, l’histoire des protagonistes et de leurs relations, le milieu politique et les affaires proches du pouvoir mais aussi la vie de famille, les relations amoureuses.

 


Mais nous allons la décrire autrement après avoir laissé nos doigts taper n’importe quoi sur un clavier usé par des années de labeur, des déjeuners passés au-dessus avec des miettes tombées entre les touches et des cigarettes ayant fait fondre le plastique (heureusement que je ne renverse jamais de café ou de bière, remarque !).

Nous avons tout simplement un puissant, protégé par de plus puissants (dont le conseiller en communication du premier ministre, Chris Clarkle, personnage exaspérant mais voila que je m’égare encore) qui est accusé de viol par une subalterne. Comme ils ont eu une liaison « normale » (certes, extraconjugale) passionnée, on voit mal ce qui pourrait motiver cette accusation à part une espèce de jalousie après la rupture.

Mais nous avons bien un puissant auquel nous donnerions le bon dieu sans confession (give the good god without confession), comme à un président du FMI favori à l’élection présidentielle en France, ou au plus célèbre des présentateurs du journal télé de la plus grande chaine nationale… qui est accusé de viol.

 


C’est du #meeto typique mais l’intelligence de cette série est de ne jamais tomber dans la moralisation ou la démagogie, soit par la dénonciation de ces abus sexuels (qualifiés de troussage de bonne dans un autre monde) ni même celle de l’élite face à des opprimés, de gens bien nés opposé à des pue-la-sueur obligés de travailler pour sortir la tête de l’eau, ni celle de l’omerta qui peut régner dans certains milieux où, pure hypothèse, on laisserait une espèce de pédophile présider la cérémonie des César ou le festival de Cannes.

C’est peut-être du militantisme féministe, on n’en sait rien, mais on ne tombe jamais à ce niveau. Au fil de l’histoire, on en sait de plus en plus sur l’accusé mais sans jamais perdre confiance, tant son épouse – le personnage principal – continue à la soutenir malgré des moments de doute.

Mais si j’insiste sur cette absence de moralisation, de dénonciation… C’est justement parce que c’est fabuleux alors que c’est ce que dénoncent certains féministes après avoir vu la série alors que c’est une pure marque d’intelligence.

 


Voir par exemple, cette critique de ces bobos « d’Ecranlarge » (heureusement pas majoritaire, comme thème). Après une introduction élogieuse, le rédacteur sombre. « Problème : c'est à peu près tout ce qu'on retiendra de son nouveau cru [celui de David E. Kelley, le réalisateur], puisque passé son merveilleux tempo, Anatomie d'un scandale ne s'élève jamais. » « Il y avait pourtant des pistes scénaristiques (et sociales) passionnantes dans la série Netflix. D'abord, le thriller judiciaire autour du scandale sexuel et de l'accusation de viol, offrant de multiples questions énormément traitées sur les écrans post-#MeToo sur le consentement, la culpabilité, la perception et la quête difficile (voire impossible) d'une vérité ou justice pour ce genre d'affaires. Puis, le thriller politique et la descente aux enfers d'un homme de pouvoir, dont le récit se fera un plaisir de le confronter à ses privilèges et finalement à ceux de toute une élite de quasi-intouchables (oui, le Premier ministre n'est pas tout net dans cette fiction). » « Malheureusement, aucun des deux n'a le droit à un traitement digne de ce nom. Au contraire, la série est d'une superficialité désespérante, ne s'attardant jamais réellement sur ses thématiques puisqu'elle préfère se concentrer sur l'efficacité de sa narration. Et c'est dommage, car avec ses sujets, Anatomie d'un scandale aurait pu être une grande réflexion sur le consentement sauf que la victime, Olivia Lytton, disparait très vite du récit (sans qu'on ne comprenne vraiment comment ni pourquoi).

 

La série aurait aussi pu faire le portrait mordant des élites se croyant tout permis sauf qu'elle survole trop le sujet, relégué à quelques coups de fil entre deux couloirs. Enfin, elle aurait pu critiquer violemment les fraternités de grandes universités/écoles (dont les membres masculins et leurs agissements inappropriés sont trop souvent excusés sans raison valable autre que leur argent et futur pouvoir), sauf que cela ressemble plus à un exposé qu'une véritable dénonciation. » « Bref, non seulement Anatomie d'un scandale aurait pu être un divertissement hyper-rythmé, jouant admirablement avec les codes sériels, tout en menant à bien sa grande analyse des affres d'une sphère politique faisandée et d'une société malade, où les apparences comptent souvent plus que la vérité. Mais finalement, la grande série n'est qu'une petite distraction pleine de suspense, reposant uniquement sur son histoire et restant à la surface des riches propos qu'elle dissimule. » « Ainsi, si la série est régulièrement tendue, elle s'appuie sur des lignes de dialogues très fades (même lors des plaidoiries ou témoignages au tribunal) n'explorant jamais le regard de ses personnages (puisqu'elle jongle des uns aux autres sans fil conducteur). Pire, avec sa sur-utilisation agaçante des flashbacks, baignant eux-mêmes au coeur d'une surabondance de plans flous idiots (quelle horrible idée de mise en scène signée S.J. Clarkson), et de plans débullés (ou ralentis) trop nombreux pour avoir un quelconque écho sur la psyché des personnages, Anatomie d'un scandale finit par plonger tête la première dans le soap (avec un twist saugrenu dans l'épisode 4). Décevant. »

Je ne sais pas ce qu’a fumé le rédacteur de ces quelques lignes mais il mérite qu’on se foute de sa gueule et qu’on le méprise outrageusement.

 


Vous penserez ce que vous voudrez de cette série (surtout si vous la regardez, hein !) mais elle n’est pas du tout politique ou militante. C’est ce qui en fait la force. Et l’absence de message évident n’évite pas au joyeux spectateur pantois d’en tirer des conclusions.

Que je ne dévoilerai pas mais ça serait intéressant d’en parler entre lascars qui connaissent la fin. 

Belle histoire et gonzesses choucardes.


A part ça, c'est peut-être une des séries qui m'a marqué le plus - même si je l'aurai sûrement oubliée dans trois mois - peut-être parce qu'elle touche à un thème que je ne sais jamais aborder dans le blog politique, tant je suis proche de copines militantes féministes et grand défenseur de la présomption d'innocence, voire de la relativisation de certaines pratiques. Dans l'histoire du Sofitel de New York, par exemple, j'étais un des derniers défenseurs de DSK sur le thème "ben quoi, une domestique se fait mousser après avoir taillé une pipe à un puissant". Et, pas plus tard que cette semaine, j'ai fait un billet de blog expliquant pourquoi les militants Nupes devraient réintégrer Adrien Quatennens. Dans les deux cas, je n'ai évidemment pas pardonné les actes mais je crois bien que la question n'est pas toujours là. 

12 commentaires:

  1. Vu cette série il y a déjà un petit moment... si bien que j'en ai à peu près tout oublié ! Je crois pourtant me souvenir que j'en avais un peu marre sur la fn, mais je n'énumérais de rien...

    DG

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si vous n’énumérez de rien. NJ…

      Supprimer
    2. Saloperie de téléphone qui prétends écrire à ma place !
      « Je ne JURERAIS de rien », voulais-je dire.

      Cela étant, j'ai remis la série dans ma liste “à voir” : ce sera pour après la saison 5 de Blackliste

      Supprimer
    3. Ce qu’il y a de bien avec les fautes de l’iPhone, c’est qu’on peut s’amuser à deviner ce que l’autre a voulu écrire.

      Vous pouvez l’inscrire sans risque : c’est une série courte. De mémoire 8 épisodes de 45 minutes.

      Supprimer
  2. quand je vais gagner un peu plus de sous (en mai) je m'abonnerai à Netflix pour regarder de telles séries. Tu peux remplacer Telerama comme chroniqueur des séries TV !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chroniquer ça n'est pas facile. C'est un métier. Je progresse peut-être mais, si tu lis mes 50 ou 100 billets à propos de séries, la plupart est sans doute atone. Là, j'étais inspiré mais c'est particulier : ce n'est pas une série qui a été beaucoup vue et elle m'a plu. J'ai donc à dire et dans le bon sens.

      Supprimer
  3. Bon, on l'a revue, cette fougue série. Le type que vous citez longuement est évidemment un idéologue abruti, mais il a raison sur un point : les flashbacks sont horripilants et filmés d'une manière ridiculement chichiteuse.

    À part ça, il y a quand même bien des faiblesses et des invraissemblances dans le scénario. La plus grosse étant que la blondasse épouse ne reconnaisse pas tout de suite, seulement20 ans après, la fille qui a partagé sa piaule d'étudiante durant des mois.

    Bref, à mon avis, une série tout juste regardable. (Et l'avocate était tout de même meilleure dans Downton Abbey...)

    DG

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C’est pas une blondasse physionomiste… Et jeune, l’avocate était grasse. Elle a bien changé.

      Supprimer
    2. J'ai perdu pas loin de vingt kilos en 2017 et 2018... Eh bien, tout le monde m'a reconnu sans problème !

      Autre gros problème de cette série : personne ne pense jamais à sortir le chien, ce qui est inacceptable et peu réaliste...

      DG

      Supprimer
    3. Ce qui est gênant c'est qu'elle ait tant changé, en fait, pas qu'on ne la reconnaisse pas.

      Le coup du chien m'avait choqué, aussi (puis j'ai zappé), tant j'ai rêvé d'en avoir un mais sais ne pas pouvoir assumer les contraintes (sans compter le fait que j'habite dans un petit appartement où une bestiole ne saurait se plaire).

      Supprimer
    4. Un chien, il faut soit vivre à la campagne, soit être à la retraite… soit les deux.

      Supprimer
    5. On est d'accord. Ou avoir un boulot avec des horaires peu contraignants (mes parents avaient des chiens mais comme ils étaient profs, ils pouvaient les promener quatre fois par jour, ce qui était tout de même une contrainte ; et avec les enfants, il y avait au pire deux fois trois heures par jour où les bestioles étaient seules).

      Supprimer

La modération des commentaires est activée. Soyez patients !