Lors de ma précédente période d’hospitalisations intensives,
il y a près de quatre ans, j’hésitais à donner des nouvelles dans les réseaux
sociaux au prétexte que c’était trop intime. En fait, je me rends compte
maintenant que je n’en ai rien à foutre : soit, chers lecteurs, vous êtes
des proches et il est logique que je vous livre des informations (d’autant que
vous allez me les réclamer par un autre moyen de communication), soit, chers
autres lecteurs, vous n’êtes pas proches et je ne vois pas bien ce que vous
pourriez en avoir à cirer du degré de tortillonnationnage de mes glaouis. Ou
alors vous êtes vicieux.
En outre, il y a quarante six mois et demi, je ne voulais
pas spécialement que ma mère soit au courant de tout pour ne pas la perturber :
il ne fallait pas lui donner de motif de désespoir complémentaire, à cette
brave dame. Mais elle est beaucoup plus stoïque depuis son enterrement.
D’aucun se demandent comment je peux supporter tout cela
mais dites-vous bien que je suis un roc. En d’autres termes, je suis plus
inquiet sur le fait d’avoir un caleçon neuf à enfiler après ma douche de demain
que ce qu’il me faudra faire pour gérer mon héritage quand mon cœur aura
explosé lors de mon opération à venir. Je suppose que ma sœur et mon frère n’ont
pas spécialement les mêmes préoccupations…
Il faut être un roc et nous ne supporterons aucune pleureuse
dans notre entourage. Point. Sachez par exemple que répondre à mes messages de « solidarité »
dans Facebook me fatigue et si vous étiez vraiment solitaire vous arrêteriez, à
ma place, de boire des bières ce qui m’éviterait d’avoir à le faire vu que le
bistro en face de l’hosto est fermé.
Un roc mais gras du bide, tout de même.
Comme je le disais, il faut voir le bon côté des choses. Par
exemple, je vais faire des économies (cinquante ou soixante euros de bière et
de clopes par jour, avec quelques restaurants en compléments quand je suis à
Bicêtre) : ça nous fait du 750 euros par semaine, tout de même. Voila bien
une cure que m’envieraient quelques pue-la-sueur…
Il y a aussi le fait que j’avance bien dans mon étude
objective sur la gastronomie hospitalière que je me faisais une joie de
réaliser. J’ai déjà deux quelques premières conclusions à formuler. Sur 6 repas
pris depuis le début de ma cure, seuls deux plats du jour furent « un peu
mauvais ». Ce n’est donc pas directement la qualité de la bouffe qui est
en cause (d’autant que je suis assez difficile) mais « tout le reste »,
en commençant par la présentation à chier et les périphériques pourris. Hier
soir, ils m’ont collé des Petits Suisses à bouffer. Ce n’est pas mauvais qui,
dans un état normal, irait manger des Petits Suisses en dessert ?
Le principe même de manger assis dans un fauteuil louche ou
sur un lit merdique, avec un plateau posé sur une table à roulette, vous plonge
dans le plus grand désespoir ! Alors je me demande pourquoi ces gugusses mettent
des serviettes de la même couleur et de la même texture que le papier hygiénique…
Et il y a le problème des récipients en carton que j’ai déjà évoqué. Au fond, j’aurais
presque envie de m’enfiler le stock d’anticoagulants et de me blesser
opportunément avec un morceau de verre… En complément, il faut bien dire que
les quantités me sont insuffisantes (elles iraient sans doute à un type normal
mais je n’ai pas soigné mes 140 kg de gras à coût de blancs de poulets de 80
grammes).
Il y a quand même des plats très bons. J’ai eu droit à une espèce
de paëlla, à des lasagnes et à des bolognaises qui étaient largement meilleurs
que s’ils étaient sortis de mes propres casseroles (sans, évidemment, arriver
au niveau de ce que pourrait faire un chef cuisinier). Alors, je supplie ces
braves gens de notre glorieuse administration de songer à des détails. Ce
matin, le lascar m’avait bien donné deux bouts de pain avec le café au lait
mais il avait oublié le beurre. Je n’allais pas lui courir après dans les
couloirs, en caleçon, ni appuyer sur la sonnette « d’urgence ».
Hier ou avant-hier, une sympathique jeune fille, probablement
une infirmière stagiaire, est entrée dans mon box ma chambre avec une
balance sous le bras en disant, je cite exactement : « c’est pour la
pesée ». Voila typiquement le genre d’expression qui vous rabaisse au rang
de bétail…
Pourtant, il est très important que je perde une dizaine ou
une vingtaine de kilos en une dizaine de jours, quitte à les reprendre après :
je risque d’avoir une opération avec ouverture du thorax ce qui rend difficile
le fait de bouger les bras et surtout de les tirer par derrière pour les
envoyer jusqu’à ce qu’il faut bien appeler le trou du cul pour procéder soit à
un simple torchage soit à un nettoyage plus abouti.
Je ne déconne pas : c’est le principal mauvais souvenir
que j’ai de ma précédente opération du genre… Ne pas pouvoir avoir les fesses
propres sans demander un coup de main à une aimable aide-soignante. C’est très
gênant. On me dit que ce n’est pas intime de raconter des histoires de santé
dans les réseaux sociaux mais je vous
assure que c’est bien pire de demander à autrui de vous torcher les fesses…
Quant à écrire dans les réseaux sociaux qu’on a peur de ne pas pouvoir avec le
cul propre pendant quelques jours, je vous donne deux heures pour y réfléchir.
Je suis donc à Cochin depuis mardi soir (le 27 août, je le
note ici pour m’en souvenir dans quatre ans). Le scanner spécial pour le cœur est
en panne. Je vais donc être transféré à Pompidou lundi. Cet hôpital moderne
(mais sans bistro en face) aura en charge de poursuivre les traitements actuels
(antibiotiques à haute dose histoire de bien nettoyer ce que je n’ai dans les
éponges, à ce stade du Destop serait plus efficace) et les examens préparatoires
à l’opération de l’aorte pour virer le thrombus, opération assez lourde… Il
reste un espoir d’y échapper (franchement, je n’arrive pas à évaluer la
position des médecins de Cochin : aussi bien, ils veulent ne me laisser
aucun espoir afin de ne pas risquer une mauvaise nouvelle. Au fond, la fois
précédente, j’avais été opéré dans l’urgence alors que, aujourd’hui, tout le
monde semble prendre son temps).
Le blog opératoire est réservé pour vendredi…
A part ça, je vais devoir avoir un coup de main de copains
(me ramener quelques caleçons taille 5 et quelques tee-shirt 5XL, ce qui est
plus dur à trouver mais Amazon fait les choses très bien (un short
serait un plus). Mettons nous d’accord prochainement : il faut que le
livreur puisse avancer le pognon (qu’il m’envoie un RIB pour que je le saisisse
dans le machin) et livrer à Pompidou mais je ne connais pas encore la chambre.
J'avais bien pensé à apporter des fringues avec moi mais je n'avais pas fait leur contrôle technique auparavant. Admettez que tomber sur trois deux caleçons avec un élastique HS dans un stock de trois n'est pas de bol...
Par ailleurs, Yann B, si tu pouvais donner des nouvelles
complètes aux patrons de la gare et leur demander de les transmettre à mon
voisin Christian, celui qui boit des galopins ou des cafés avec Eugène. Ils
comprendront.