28 août 2024

Essai intransigeant sur la gastronomie hospitalière

 


Vous l’aurez compris : si je me suis laissé pourrir les poumons c’est dans l’unique objectif d’infiltrer l’hôpital public parisien afin d’y étudier la  gastronomie particulière qui y règne. Pendant que j’y pense, j’aurais dû me laisser pourrir le foie.

Un illustre blogueur normand, appelons-le DG, publiait une précédente étude démontrait qu’il existait nécessairement une formation spécifique pour produire de la bouffe aussi immonde. Il a parfaitement raison mais il a oublié de détailler les différentes filières qui peuvent exister.

Par exemple, hier soir, mon préparateur de commande avait vraisemblablement suivi l’option « bien choisir un dessert ». En effet, ce gougnafier avait choisi un morceau de pastèque en oubliant que personne ne mange de pastèque chez soi, en dehors de la terrasse et d’une soirée au rosé frais. Ce n’est pas mauvais, la pastèque ! Je ne veux surtout pas stigmatiser ces jolis fruits ronds mais tout de même importés de pays un tantinet racisés. Je ne vaux surtout pas faire croire que je suis pastèquophobe. C’est bon, c’est juteux, c’est frais… Mais PUTAIN DE BORDEL DE MERDE, quelle andouille peut s’imagine qu’un type puisse avoir envie de manger de la pastèque quand il est à l’hosto ? Quel taré, même, envisagerait de prendre pour lui-même, célibataire (ou du moins passant un repas seul), un morceau de pastèque pour terminer son plat ?

 

A ce stade de l’étude, il est évident qu’il faut nécessairement faire des études spécifiques pour avoir l’idée de gâcher la vie d’un pauvre type qui aurait tant voulu avoir un réconfortant yaourt ou un petit peu de compote de pomme à ce point. Et il faut un don.

Mais il ne suffit pas ! Il faut celui du « packaging » comme on dit maintenant. Prenez la photo d’illustration de mon billet. Le morceau de pastèque de mon repas d’hier soir est présenté dans une espèce de barquette blanche, en plastique. D’emblée, elle est douteuse : on sait que pour militer les dégâts de la planète, il faut limiter les couverts et autres machins en plastique s’ils ne sont pas réutilisables. L’hygiène est un peu douteuse, non pas que nous ne faisons pas confiance dans la capacité de l’AP-HP d’utiliser des espèces de gobelets mais le volet psychologique est important. Toute personne ayant hérité de la maison de sa mère décédée le 1er mars 2023, sait que la maison est truffée de récipients en plastique jetables blancs dégueulasses avec un contenu, alimentaire ou pas, à moitié louche.

Il est absolument dégouttant de sortir de la bouffe d’un récipient qui ne soit pas suffisamment rigide pour être lavé correctement.

En outre, la pastèque ne saurait être mangée telle que présentée ici. Il y un type qui a une formation encore spéciale, parmi les aide-cuisiniers, qui a appris la règle d’or : « surtout tu ne coupes pas les aliments – notamment les pastèques – pour rendre service au client ». Il faut donc que l’on prenne le morceau de pastèque, qu’on la pose sur une partie du plateau ou de la table où l’on pourra la découper tout en sachant que le jus va coller partout, que vous n’avez pas de place surtout si vous êtes assez con pour avoir un ordinateur sur la même table pour faire des billets de blog. C’est l’enfer !

 

On devinera assez facilement que ces gens-là sévissent en meute : un individu a un rôle particulier, celui de préparer les entrées. Nous avions ici quelques morceaux de salade coupée dans une barquette blanche que l’on aurait pu croire réservée aux pastèques (non coupées, elles, hein !, faut suivre) avec un espèce de petit pot de vinaigrette.

Dans la vraie vie, personne ne mange de laitue en entrée. Chez soi, on mange la salade dans l’assiette du plat principal (après avoir terminé ce dernier), pas en entrée dans un récipient en plastique dont nous avons déjà évoqué quelques travers mais qui, en plus, est trop profond pour que l’on puisse y cueillir les délicats feuilles…

 

La description de ce repas serait terminée s’il n’y avait pas eu « le fromage », servi en portions individuelles. On comprend ce qui peut motiver nos préparateurs en plateaux gastronomiques à servir de telle préparation mais il faut avouer que dans la vraie vie, le fromage servi en portions individuelles emballées est particulièrement déprimant et qu’en rencontrer à l’hôpital, quand on mange assis sur un coin de lit ou un fauteuil adéquat, le contenu d’un plateau repas lui-même posé sur une table à roulettes branlante est une irrévocable incitation au suicide.

 

Nous poursuivrons notre étude détaillée prochainement. Il faut encore que je digère le yaourt qu’on m’a offert avec le café, ce matin. Quelle idée de penser qu’une majorité de Français puisse avoir envie de manger du yaourt le matin ?


Ainsi, mon poisson "meunière" et mes patates au paprika auraient pu figurer au sein d'un aimable repas à 13 euros dans un restaurant en s'en tirant avec notre positive finiront dans les bas fonds de l'histoire.

9 commentaires:

  1. Au bout de trois ou quatre jours, le fromage était à peu près la seule chose que je mangeais en entier, pour accompagner le petit pain : d'où un salutaire amaigrissement (restons positifs en toute circonstance).

    On notera par ailleurs que la pastèque est un fruit de tendance ecolo-asilaire : vert dehors, rouge dedans.

    DG

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    1. Oui, on n''est jamais déçu avec un bout de fromage préemballé : on sait que ce n'est pas bon mais c'est mangeable, au moins.

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  2. Je pense qu'il y a effectivement un complot car le terrorisme culinaire que vous décrivez ne se limite pas à l'AP-HP mais à toute l'engeance hospitalière. Il y a quelques années, un médecin particulièrement alarmé par mes performances cardiaques décida de m'envoyer revoir ma plomberie vasculaire dans une clinique privée de Neuilly des plus chics, des plus huppées et des plus dispendieuses. Etant donné le prestigieux statut de cet établissement et ce qui allait en couter à ma mutuelle, j''espérais que mes souffrances dues à l'ouverture de ma cage thoracique allaient être compensées au centuple par une gastronomie digne des célébrités que l'on opérait dans cette clinique.
    Pas du tout : aucune porcelaine fine mais les mêmes barquettes en plastique que les vôtres, la même sole meunière sans sauce meunière que la vôtre, le même yaourt insipide que le yaourt conchinois qui vous est imposé.
    Après un jour ou deux de ce régime, légèrement remis de l'intervention, je m’enquis auprès du personnel des exceptions que l'on pourrait mettre en place pour améliorer l'ordinaire. Je demandais naïvement s’il n'y avait pas une sorte de "régime à la pistole" à l'image de celui des embastillés de l'ancien régime. Rien, rien du tout. La mainmise des cuisiniers hospitaliers est totalitaire et ne souffre donc d'aucune exception, d'aucune pincée de sel dans la purée, d'aucun brin de persil sur la tranche de foie de génisse, d'aucun petit verre de vin avec la portion de Babybel, rien de rien.
    Evidemment, n'étant pas au meilleur de notre forme lorsque l'on fréquente ce type d'endroit, notre capacité de rébellion est faible. Aussi, pour éviter tout tracas, je repoussais la moitié de la nourriture proposée sans aucune observation et encore moins de réclamation, laissant croire que mon apétit était habituellement celui d'un petit passereau végan. Je réfléchissais à ce qu'aurait pu être la posture des stoïciens et des épicuriens piégés comme moi dans ce type de clinique, lorsqu'un un ami vint me visiter. Atteint de pitié à l'aspect déplorable que je présentais alors, il me laissa les 2 Montecristo qu'il avait sur lui pour m’aider à oublier les attentats gastronomiques que l'on me faisait subir et surtout pour accélérer ma convalescence car comme moi, il croyait à la médecine par fulmigation de plantes.

    (votre blog me dit que mon commentaire est trop long, je coupe donc ici pour reprendre illico)

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    1. L'intérêt des grands hôpitaux (ma première ouverture du thorax a été faite à Pompidou) est qu'il y a des cafétarias... Ca m'amuse beaucoup quand je me rappelle que j'allais acheter des sandwichs jambon beurre en cachette...

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  3. Le soir même, la dernière compote de pomme avalée (on avale rapidement une compote de pomme de 1,23 cm3), j'allumais un premier cigare. Que n'avais-je fait là ! Moi, pauvre convalescent, à peine sorti d'une anesthésie générale, pauvre victime de la gastronomie hospitalière, je devenais aussitôt un affreux terroriste en passe d'occire les patients de tout l'étage avec la fumée de mon barreau de chaise. On appela une infirmière en chef directement sorti d'un roman d'Orwell pour me sermonner, un interne à mine patibulaire fut convoqué pour me vouer aux gémonies et, le lendemain, j'eus à subir les foudres d'un chef de service stalinien (je ne sais pas comment ils faisaient pour en trouver à Neuilly en 2010...).
    Mais tout cela ne fut rien en regard des mesures de rétorsion du syndicat des marmitons hospitaliers. Tout devint plus terrible encore : carottes râpées sans vinaigrette, portion maigrelette de vache qui rit (comment fait-elle pour rire en de tels moments et de tels endroits ?) sur un petit pain à peine cuit, potage aux légumes indéfinissables. Tant et si bien que non seulement je perdis 10 kilos en deux semaines, mais que le sortilège qu'ils m'infligèrent fut tel que je ne les ai jamais repris depuis!
    Aussi, je vous suggère d’être des plus réservés, de ne faire aucune critique sur la nourriture, de passer sous leur radar et éventuellement sous leurs fourches caudines pour éviter qu'ils n'ajoutent des souffrances supplémentaires aux maux pulmonaires qui vous affligent déjà. Ces gens sont terribles. Je tremble à l'idée que le service des renseignements des cuisines de l'hôpital Cochin tombe malencontreusement sur ce billet, ou que lors d'une phase de réveil après une intervention chirurgicale, vous avouiez dans une semi-conscience lire les billets du malade normand que vous avez cité ici. Je vous conjure de redoubler de prudence, votre santé est en jeu et je vous préfère plutôt bloggeur vivant que mort en martyr dénonciateur de complot.

    Bon courage,

    La Dive

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    2. Ma dernière opération était programmée bien à l'avance, nous avons pu tout faire dans les règles et j'ai pu cocher des cases d'un formulaire pour déclarer ce que je ne voulais pas manger. J'ai fait l'erreur de cocher "tomates crues". En remplacement, ils vous servent systématique des carottes râpées même si c'était au menu du plat précédent. C'était l'enfer.

      J'aurais préféré manger des tomates. Et pourtant. Alors je ferme ma gueule en priant le bon dieu pour qu'ils n'aient pas un service qui détecte les blogs...

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    3. Si jamais vous êtes victime de rétorsion culinaire à cause de ce que j'ai pu écrire, je m'engage à vous apporter chaque midi le plat du jour de la Comète...

      DG

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    4. J'espère que nous n'irons pas jusque là...

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