Dès le lendemain de mon arrivée à l’hôpital, j’ai pris
quelques habitudes comme celle d’aller me promener dans les environs, jusque Port
Royal, pour voir un peu de monde normal (il faut dire que Cochin est spécialisé
dans les machins pulmonaires et les trucs ophtalmologiques ce qui fait que les
promeneurs, dans l’enceinte de l’établissements sont laids : genres tubars
en blouse « AP-HP » trainant un chariot avec un bouteille d’oxygène
ou grands éborgnés plein de pansements).
Vendredi, le vigile me dit, en me montrant mon cathéter :
« vous vous êtes patient, vous n’avez pas le droit de sortir ! »
J’ai parfaitement compris la chose mais je me demandais néanmoins pourquoi
personne de mon service ne me l’avait dit et comment un gardien privé pouvait m’imposer
cela, d’autant que, si j’avais voulu fuir, j’aurais pu débrancher le truc. Je
lui réponds « mais si j’avais eu ma veste, vous n’auriez pas vu mon machin et
vous m’auriez laissé passer comme un visiteur normal ». « Oui mais ce
n’est pas le cas ». Je lui ai alors dit : « mais je veux aller
fumer une cigarette » (ce n’était pas le cas, j’arrête assez facilement le
tabac quand je suis à l’hôpital) et j’ajoute « c’est interdit dans l’enceinte
de l’hôpital ». Il me dit « oui, mais l’affichage n’est pas
réglementaire donc l’interdiction ne compte pas »…
Ils ont de ces gardiens…
Il y a un truc qui m’énervait déjà lors de mes précédents
séjours. Deux ou trois fois par jour, une infirmière vient « relever mes
constantes » à savoir ma température, mon rythme cardiaque, ma tension et
ma « saturation ». Ce matin, j’avais l’esprit fripon : « pourquoi
relever mes constantes alors que si elles sont constantes elles ne changent
pas, par définition ? ». Devant le regard d’hareng saur de la dame, j’ai
été obligé de faire un large rétropédalage et abandonner ma vanne.
Pourquoi ils appellent ça des constantes, ces ânes ?
Récemment, je faisais un constat à un confrère sortant d’hôpital
en lui avouant que ce qui me gênait le plus, à l’hosto, c’est que le personnel
changeait souvent et qu’on ne reconnaissait personne (ce qui était encore plus
vrai lors de mes précédents séjours à cause des masques)… Maintenant, ceux qui
sont « un peu gradés » (j’imagine qu’une aide-soignante perdrait sa dignité
si on la prenait pour une femme de service) se présentent la première fois qu’elles
entrent dans une chambre ce qui est très sympathique mais ne change strictement
rien au problème.
Hier, j’ai remarqué quelque chose d’amusant mais il a fallu vingt
quatre heures pour que je puisse en avoir la confirmation : le week-end,
les responsabilités du personnel changent. C’est ainsi qu’une aide-soignante
peut très bien relever les constantes alors que c’est réservé aux infirmières
en semaine et que les infirmières peuvent servir les repas… Le matin, c’est la
même personne qui sert le petit déjeuner, prend les constantes, donne les médicaments…
alors que, en semaine, elles sont au moins trois.
A noter, qu’il y a très peu d’hommes, ce qui est connu, mais
c’est très rigolo de voir ceux qui sont « aide-soignant » et qui font
comme s’ils étaient d’une espèce de caste à part, bien supérieurs aux gonzesses
qui ont les mêmes fonctions. La dignité, c’est quelque chose…
A noter que parmi les femmes, de l’infirmière à l’aide-soignante
en passant par la femme de ménage, elles se ressemblent toutes avec une très
prononcée légère surcharge pondérale et une coloration de l’épiderme laissant
penser qu’elles sont originaires (ou du moins leurs familles) de bien au sud du
Maghreb (ceci n’est pas un problème sauf qu’il est absolument impossible de
savoir qui fait quoi).
Dans le bâtiment où je suis, il y a deux « batteries d’ascenseur ».
La première est réservée aux visiteurs, la seconde est là pour « monter
les patients ». Je me demande quel « véhicule » emprunter quand
je veux descendre… Je ne peux pas raconter plusieurs anecdotes d’ascenseurs
mais j’avais déjà remarqué que, dans un des bâtiments de Cochin (Achard, je
crois), l’ascenseur visiteur semble avoir été ajouté après la construction et
il est presque impossible de le trouver quand on veut sortir.
L’autre jour, un brancardier est venu me chercher pour aller
faire une radio des poumons dans le bâtiment voisin. Quand il a vu que je pouvais
marcher, il m’a dit « ah ben vous marchez, on va pouvoir aller à pied ».
J’ai feint la jovialité : « ah oui, ça me fera du bien ». Le
gugusse a oublié que j’étais en pneumologie et « donc » manquais de
souffle. Il a réussi à me semer dans les allées du complexe hospitalier.
Jeudi, au petit déjeuner, j’ai demandé deux morceaux de pain.
Le lascar m’a bien servi mais a oublié le beurre. Vendredi, j’ai eu ce que je
voulais en précisant bien que je voulais deux morceaux de pain et deux petites
plaquettes de beurre. Hier, il m’a tout bien donné mais a ajouté un yaourt !
Déjà que je ne n’en mange que quand j’ai très fin, lors d’un repas normal. Ce matin,
il me dit : « vous êtes sûr que vous voulez deux morceaux de pain ».
« Ben oui, ai-je répondu ».
Il m’a servi.
Puis a dit : « le dimanche, ceux qui ne veulent
pas de pain ont des croissants »…