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15 novembre 2024

Le commercial du cabinet de conseil

 


En fin de matinée, j’ai rendez-vous (professionnellement et téléphoniquement) avec le commercial (je suppose) d’un cabinet de conseil ou d’une société informatique. Ces braves gens sont très doués pour obtenir des rendez-vous, bien plus que les pue-la-sueur qui nous harcèlent au téléphone pour vendre des changements de robinets de radiateurs, des abonnements téléphoniques et j’en passe.

La technique est simple : ils vous envoient un mail pour solliciter une conversation. Généralement, vous ne répondez pas (avec l’âge, vous considérez cela comme du spam, à juste titre, mais « vous » avez été consultant et vous comprenez les difficultés des commerciaux ce qui fait que, les premières fois, vous restez aimables, d’autant que, pour ma part, je suis resté très pote avec celui qui m’a eu « en responsabilité » de 1996 à 2006).

La personne finit par vous relancer avec quelque chose, dans le mail, qui vous fait comprendre qu’il ne mérite pas votre mépris (ce qui est bien vrai) et vous finissez par bredouiller une réponse, par exemple : « vous savez, nous avons un vivier de cabinets agréés et, en outre, à mon niveau, je ne suis pas du tout décideur. » Vous êtes persuadé que le type va se rendre compte que ses propos n’auront aucun succès commercial.

Néanmoins, il insiste : « ça n’empêche pas que nous pourrions envisager un rendez-vous d’une demi-heure, je pourrai vous présenter la société et vous pourrez me parler de vos activités. » Il vous donne donc de l’importance et, au fond, vous n’avez pas vraiment de raison de refuser cette conversation sauf si vous êtes vraiment débordés…

 

Mais vous n’êtes pas débordé et il le sait ! D’ailleurs, s’il vous contacte (on se demande bien comment il a eu vos coordonnées), c’est parce qu’il n’a pas réussi à obtenir gain de cause auprès d’un collègue mieux placé dans la hiérarchie qui, lui, serait réellement dans le jus, ayant plusieurs projets à gérer alors que, pour vous, c’est tout de même une distraction de papoter avec un lascar. Et il vous a mis en avant. Il vous fait croire qu’il vous prend pour un décideur, voire qu’il ne vous croit pas quand vous démentez !

En fait, on sait comment il a eu vos coordonnées : il les a obtenus d’un type qui, comme vous, ne sait pas comment se dépatouiller avec ces andouilles. Il aura dit quelque chose comme : « Mais contactez donc M. Jégou, il est lui-même l’adjoint de Madame Machin et est au cœur de la gestion des projets ». Notre commercial n’a pas d’autre choix que de faire semblant d’être dupe. Ou alors, c’est un lapin de six semaines et il le croit réellement, il ne voit pas le jeu du petit management qui renvoie les patates. De toute manière, il tient un nouveau point d’entrée et un prétexte pour vous faire mousser. Il vous fait croire, insidieusement, qu’il « sait » que vous êtes plus important que vous ne semblez le dire…

 

Mon lascar de ce midi n’aura rien de ma part. Le seul bénéfice que je vais en tirer est que je vais faire ma toilette avant de lui parler, au cas où nous activerions la caméra, ce qui serait la moindre des choses, et que j’en profiterai pour me raser, ce que je n’ai pas fait depuis mi-août ! Généralement, je prends une douche vite-fait avant d’aller au bistro le soir…

Il n’aura rien de ma part parce que je suis trop vieux, voire trop proche de la retraite, pour avoir la moindre complicité nouvelle avec un inconnu dont l’entreprise n’est pas référencée comme un de nos sous-traitants. En outre, je lui ai dit, dans un mail, que je n’avais aucune information à lui communiquer et que je ne suis pas décideur. Oralement, je pourrai préciser mes propos, sans avoir à mentir : depuis le Covid, je suis beaucoup en télétravail et j’ai été longtemps malades (trois ou quatre périodes d’un ou deux mois) et je suis déconnecté de la vie du bureau.

Je vais quand même le faire parler. Je suis un garçon poli et compréhensif. Ainsi, alors qu’il s’imagine me manipuler, il ne se doutera pas que je lui renvoie bien la balle… Je vais même lui raconter que j’ai été « consultant manager », à une époque, et que j’ai eu, aussi, beaucoup de mal à avoir des contacts commerciaux qu’un hiérarchie abrutie m’obligeait à avoir (vraiment abrutie, je rapportais du pognon à la boîte par mon boulot de consultant facturé entre 750 et 120à euros par jour selon les clients qui, à peu près tous, en redemandaient et, pas du tout, en me recrutant de nouveaux contrats… Mais mon salaire était indexé en fonction du nombre de jours que je pouvais vendre : j’ai fini par démissionner pour prendre un poste chez un client, en faisant le même boulot, avec le même salaire, mais sans emmerdements).

 

De toute manière, ça va lui permettre de roder son discours. Ces braves aiment bien présenter leurs entreprises, leurs secteurs d’activité, certaines prestations faites. Il ressortira donc un peu déçu mais avec le sentiment, tout de même, avoir un peu progressé. J’ai bon fond. Et il aura l’impression d’avoir un allié car il saura que j’ai eu des responsabilités dans un cabinet de conseil (sans savoir que j’ai fui, ne gagnant pas assez d’oseille).

 

Ce qu’il ne sait pas, c’est que j’aurai l’œil rivé à mon horloge pour être sûr que le plat que je vais mijoter (des pommes de terre au chorizo) ne soit pas trop cuit alors que je le laisserai sans surveillance.

7 commentaires:

  1. Quelle chance j'ai, de ne plus parler à personne !

    (À part au vétérinaire, il y a une demi-heure, qui m'a coûté un bon demi-bras...)

    DG

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    1. Avec votre ménagerie...

      Parler fait un peu de bien, tout de même ! Un jour comme aujourd'hui, ça sera sûrement mon seul contact avant l'heure du bistro.

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    2. Le bistrot devrait suffire à l'honnête homme !

      DG

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    3. Oui. Mais on ne peut y passer sa vie. Encore que…

      NJ

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  2. En résumé, la conversation a duré un quart d'heure. Il a compris que je n'étais pas décideur et ne m'a pas fait chier.

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  3. J'aime bien ces morceaux de vie professionnelle. Je devrais en écrire des billets comme ça aussi, c'est sympa à lire mais aussi à écrire :)

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